Archives de catégorie : GV

1866 Le choléra au Guilvinec

Au XIXème siècle, plusieurs épidémies de choléra ont touché les habitants du Guilvinec. Celle de 1849, très meurtrière dans la région de Douarnenez (plus de 500 décès), fut relativement moins violente pour les pêcheurs guilvinistes et leurs familles (10 décès).
En 1866, ce ne fut pas la même affaire. Le petit village composé de quelques hameaux, dépendant de la commune de Plomeur, commence à connaître un développement considérable grâce à la pêche du maquereau.
La population fixe est passée en 10 ans de 549 à 716 habitants. La douzaine de chaloupes du petit port — en réalité une anse naturelle prolongée par un estuaire ouvert à tous les caprices de la mer — est rejointe tous les ans, au printemps, de mars à juin, par 200 à 300 chaloupes venues de l’Ile Tudy, Audierne, Douarnenez et Concarneau.
Les familles des marins suivent avec armes et bagages et s’installent sur place pendant toute la saison du maquereau. Compte tenu du peu de maisons, tout ce beau monde s’entasse dans des conditions de promiscuité et d’hygiène très rudimentaires.
Rien de surprenant donc de voir se développer une épidémie foudroyante, d’autant plus que la propreté des rues n’était pas assurée, les ordures s’entassant partout ; un autre facteur aggravant facilitera la propagation du choléra : la consommation d’une eau chargée de toutes sortes d’impuretés.

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Notification d’un décès sur le registre matricule des inscrits maritimes (Doc SHD Brest)

Cette épidémie fera 52 morts au Guilvinec du 18 avril au 6 mai 1866. Il faut y ajouter également plusieurs dizaines de marins d’autres ports, en particulier à l’Ile Tudy où les marins venus pêcher au Guilvinec l’ont quitté avec des malades et le germe de la maladie.
Apparemment, cette épidémie aurait été importée, entre autres, de Toulon par des marins en permission ; c’est ce qui se produisit à Moëlan où on dénombra 83 morts d’octobre 1865 à février 1866. En janvier le choléra était aussi présent à Brest (715 morts) et se répandit dans les bourgades aux alentours par l’intermédiaire de marins et d’ouvriers de l’arsenal et leurs familles.
En tout, 42 communes touchées, essentiellement du sud Finistère, 1316 décès.
Source : Yves Tanneau BSAF LXXXIII, 1957, Le choléra au Guilvinec ; Wikipedia

Le Guilvinec dans la guerre de 14-18 – Les Fusiliers-marins de l’Amiral Ronarc’h

Beaucoup de personnes ignorent pourquoi, au Guilvinec, la place de l’église  ne s’appelle pas Place de l’Eglise, mais Place Dixmude.
Mobilisés dans La Brigade des Fusiliers-marins de l’Amiral Ronarc’h (né à Quimper en 1865), un grand nombre de jeunes matelots bigoudens ont combattu en Belgique dans la région de l’Yser, en particulier à Dixmude et Newport : 12 morts pour la seule commune du Guilvinec (selon notre historien, Pierre-Jean Berrou), d’où l’hommage qui leur est rendu sur cette place où a également été érigé le monument Aux enfants de la commune de Guilvinec morts pour la France sur lequel sont inscrits 161 noms de morts en 14-18.
Au début de la Première Guerre mondiale, les troupes allemandes traversèrent la frontière belge. Lorsque l’armée allemande arriva aux environs de Dixmude en octobre 1914, les Belges avaient inondé la région en ouvrant les écluses de l’Yser. La rivière devint une ligne de front.
Les fusiliers-marins vont se battre aux côtés de l’armée belge et des tirailleurs sénégalais. La résistance des Français et des Belges empêchera le percée qui menaçait Dunkerque, un lien vital entre l’Angleterre et la France.
La Brigade des fusiliers marins a perdu 3000 hommes (510 morts, 1934 blessés et 698 prisonniers ou disparus), les Allemands y ont perdu 10 000 hommes.
En ruines à la fin des combats, la ville de Dixmude fut reconstruite durant les années 1920.
Nieuport ou Nieuwport (en flamand) est une ville côtière de Belgique, dans la province de Flandre-Occidentale. Son port est situé sur l’estuaire de l’Yser, au bord de la Mer du Nord. Pendant la bataille de l’Yser, la ville fut entièrement détruite par les bombardements.
La Brigade des Fusiliers-marins de l’Amiral Ronarc’h va tenir un secteur sur le front de Nieuport jusqu’en novembre 1915, date de sa dissolution. (Brigade puis Bataillon de Fusiliers Marins)

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État nominatif des pertes guilvinistes du B.F.M.

BERROU Emmanuel, né le 3 janvier 1893 à Guilvinec, Matelot de 3ème classe sans spécialité, décédé des suites des blessures reçues au combat le 12 novembre 1914 à Avranches (Manche).
BERROU Sébastien, né le 10 décembre 1877 à Plomeur, Matelot-Fusilier-Auxiliaire, tué à l’ennemi le 28 octobre 1915 à Nieuport
BIGER Etienne, né le 13 septembre 1892 à Guilvinec, Matelot de 3ème classe sans spécialité, disparu le 4 novembre 1914 à Dixmude. Jugement déclaratif de décès rendu le 24 novembre 1920 à Quimper.
BIGUAIS Corentin, né le 11 mai 1887 à Guilvinec, Matelot de 3ème classe Fusilier auxiliaire, tué à l’ennemi 15 décembre 1914 à Nieuport
DURAND Pierre-Jean, né le 16 décembre 1895 à Guilvinec, Matelot, tué à l’ennemi le 28 octobre 1915 à Nieuport
FOLGOAS René Marie, né le 17 juillet 1892 à Guilvinec, Matelot de 3ème classe sans spécialité, disparu le 23 octobre 1914 à Dixmude. Jugement déclaratif de décès rendu le 8 décembre 1920 à Quimper.

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GADONNAY Michel, né le 20 février 1890 à Guilvinec, Matelot, tué à l’ennemi le 10 novembre 1914 à Dixmude
GUICHAVOI Jean Louis Marie, né le 31 juillet 1888 à Guilvinec, Matelot de 3ème classe sans spécialité, tué le 15 mars 1915 par une grenade qu’il reçut sur la tête, à Lombartzyde,  Fortin du Boterdyck Nieuport
LE LOEUFF Pierre Louis né le 1er février 1891 à Guilvinec, Matelot, tué à l’ennemi le 23 octobre 1914 à Dixmude
VIGOUROUX Jacques né le 14 septembre 1893 à Guilvinec, Matelot, tué à l’ennemi 16 décembre 1914 à Nieuport
VOLANT Olivier, né le 20 janvier 1892 à Guilvinec, Matelot de 2ème classe Fusilier, décédé le 21 novembre 1914 à l’Hospice civil de Dunkerque des suites des blessures reçues. Inhumé au cimetière de Dunkerque, tombe 1419.

(D’après les sites web répertoriant les fusiliers-marins morts en 14-18)

Un port de plaisance de 500 places à l’arrière-port du Guilvinec-Léchiagat ?

Le 2 février 2012, les lecteurs de Ouest France pouvaient lire, avec une  certaine stupéfaction, les quelques lignes – reproduites ci-dessous – qui vantaient l’excellence d’un projet dont une lourde promotion avait déjà été orchestrée, alors que rien n’en avait encore été divulgué : le creusement d’un port de plaisance de cinq cents places dans la ria située en arrière du port du Guilvinec et la destruction envisagée du pont reliant les deux communes.
En voici quelques extraits :
“Les 2 communes signataires d’une charte de gestion durable et intégrée du littoral … maîtrise totale des impacts sur le milieu par intégration du futur port dans un corridor écologique …. éco-conception de l’ensemble, tout ouvrage côtier immergé devenant outil de préservation de la biodiversité”.

Le collectif  Au Nom du Steir n’entend pas laisser la parole aux seuls promoteurs de ce projet qui viendrait effacer une zone naturelle fonctionnelle, alors même que ces milieux sont reconnus pour leur extrême importance biologique.
Trois associations s’y sont regroupées, Sur un air de Terre, Sauvegarde du Littoral Guilviniste et Bretagne Vivante auxquels est venue se joindre en 2014 Eau et rivières de Bretagne.
Ce collectif est ouvert et demande que le projet fasse l’objet d’une concertation et d’études, tant au plan de la biodiversité qu’au plan patrimonial dans son acceptation la plus large possible.
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Détruire un milieu vivant, au nom d’une éternelle fuite en avant ?
Quelles sont les implications d’un tel projet ?
Quelle nécessité de plus en plus évidente à maintenir le fonctionnement des grands équilibres naturels ?
Quel intérêt à transmettre à nos enfants les éléments culturels, paysagers et la mémoire de nos aïeux ?

Pour plus d’informations, voir le site du collectif Au Nom du Steir

la page Wikipédia consacrée à l’arrière-port du Guilvinec-Léchiagat

1857 Guilvinec Station de pilotage

Dans un document daté du 21 décembre 1857, les autorités maritimes demandent que soit réalisé un état des lieux des stations de pilotage du quartier de Quimper. Des difficultés (éloignement, mauvais temps) ne permettent pas de procéder au chef-lieu à la vérification de l’armement des 4 bateaux de pilotage de l’Ile Tudy, Lesconil, Guilvinec et Penmarc’h.
Il leur est donc proposé de se rendre à Pont-L’Abbé « où réside le syndic Poulmarc’h, homme intelligent et capable. » Malgré tout, un problème supplémentaire se pose : ici, on ne fait que raccommoder les voiles, par manque de voiliers à Pont-L’Abbé et à Quimper, les voiles neuves étant faites ailleurs.
La commission de visite sera composée des personnes suivantes :
Le Commissaire de l’Inscription maritime,
Le syndic,
Un armateur,
Un charpentier,
Un voilier (de Douarnenez ?),
Un fonctionnaire du port,
Des douaniers.
Quelques mois plus tard, dans un courrier daté du 12 avril 1858, on apprend que le pilote de la station du Guilvinec, Jean Riou, a déclaré renoncer à sa profession de lamaneur à cause d’une mauvaise vue.
Le 10 juin, une demande d’autorisation « d’ouvrir un examen pour remplacer le pilote Riou de Guilvinec dont la démission a été acceptée par dépêche du 14 mai » est adressée au Commissaire de l’Inscription maritime.
Le 23 décembre 1858, après l’examen, Guillaume Riou est proposé pour la station de Guilvinec. Né le 5 octobre 1828 à Treffiagat, fils de Jean Riou et d’Anne Le Roux, marié avec Jeanne Le Roux le 6 juin 1854 et père d’une petite fille, Guillaume Riou est un sacré gaillard  : 1.82 m, un géant pour l’époque !

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Extrait du registre matricule des inscrits ouvert en 1850 (SHD 3 P 3 42)

(Source SHD Brest 3 P 2 1)

Le registre matricule des navires fait mention d’une chaloupe de plus de 5 tonneaux, la Saint-Jacques  Q 101, appartenant à Riou demeurant à Treffiagat.

(Source SHD Brest 3 P 4)

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Un bateau-pilote du port de Ouistreham

Les voiliers-pilotes

Ces bateaux avaient pour rôle de transporter le pilote – c’est à dire un marin spécialiste des accès à un port, connaissant bien les fonds et les courants –  vers le navire (souvent un caboteur de fort tonnage) qu’il doit guider pour rentrer dans ce port en toute sécurité. Ils allaient également le chercher après l’opération de pilotage.
(Source : http://tradboats.blogspot.fr/2009/05/les-voiliers-pilotes-et-de-servitude.html)

1861 Une cale débarcadère ou un quai ?

Un débarcadère (cale) construit sur l’ancienne jetée de pierres entassées aurait l’avantage d’être plus abrité, mais avec une hauteur d’eau moindre, son coût « y atteindrait un chiffre hors de proportion avec l’importance du port ».
Le point d’accostage qui fait l’unanimité du maire de Plomeur et du plus grand nombre de pêcheurs du pays serait donc situé en face du corps de garde. Ce serait de préférence un quai qui aurait « l’avantage d’offrir un plus grand tirant d’eau et par suite de plus grandes facilités pour l’entrée et la sortie. »

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L’emplacement envisagé près du corps de garde; en haut à droite, la “digue” (débarcadère ou jetée) en pierres sèches (Doc AD 29 4 S 199)

Un projet au rabais

L’astuce, « pour y établir à peu de frais un moyen de débarquement facile », consiste à utiliser comme quai « le rocher naturellement coupé sur une face verticale sur une certaine hauteur, le long duquel pourront se placer les chaloupes ». Il ne reste plus qu’à dérocter « les roches basses qui sont un danger pour l’approche des bateaux et à araser la partie supérieure du rocher pour servir de cale. » Un escalier taillé dans le rocher permettrait de descendre à la grève. « Les produits des déroctages devront être transportées sur la dune, hors de l’atteinte des marées. On aurait peut-être l’occasion de s’en servir pour créer à la pointe une jetée en pierres sèches qui pourrait y résister à la mer. »
Ce projet est estimé à 2300 francs.
En conclusion l’ingénieur ordinaire Guibert se fend d’une nouvelle tirade, un beau morceau de langue de bois :
« Cette dépense, tout à fait en proportion avec l’importance du port du Guilvinec, aurait pour résultat, en rendant l’accostage facile, de créer pour ce petit port, une amélioration notable et dont nous reconnaissons toute l’utilité. »
Ayant reçu l’accord du Préfet après consultation du Conseil général des Ponts et chaussées (section de la navigation) et approuvé par décision ministérielle du 27 avril 1861, cet avant-projet ne sera pas réalisé.

1860 Difficultés d’accostage au port du Guilvinec

Le 26 juillet 1860, une pétition présentée par le Sr Garrec au nom des marins-pêcheurs du port du Guilvinec en Plomeur, est adressée au Préfet du Finistère. But : obtenir l’établissement dans ce port d’une cale pour faciliter aux chaloupes de pêche l’embarquement et le débarquement.
Le rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et chaussées, chargé de faire un état des lieux et d’argumenter sur l’avant-projet des ouvrages à exécuter, fournit des éléments concrets de description du paysage de l’époque.
« Les pêcheurs de Guilvinec, qui possèdent treize chaloupes qui se livrent à la pêche de la sardine, n’ont en effet dans ce petit port aucun point où ils puissent débarquer facilement. Dans l’état actuel, ils sont obligés de faire accoster leurs bateaux soit le long des rochers abrupts situés en face du corps de garde de la Douane, soit un peu plus haut autour d’une jetée de pierres entassées que les marins eux-mêmes ont faite sur la plage un peu en amont .

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Plan du port en 1860 (doc AD 29 4 S 199)

L’accostage est difficile et les embarcations sont exposées pendant les mauvais temps à de graves avaries faute d’un abri suffisant. »
Autre intérêt de créer des infrastructures portuaires, la situation économique : « Ainsi, l’établissement d’une cale, est-il une amélioration vivement désirée dans ce petit port où il s’est déjà établi une usine pour la conserve de sardines et qui paraît en voie d’extension. »
Mais il ne faut pas s’attendre à une grande réalisation, car « vu le peu d’importance du port , il importe qu’il soit aussi simple et aussi économique que possible. »

La défense de la côte contre les Anglais pendant la Révolution

Dans un article du bulletin municipal « Ar Gelveneg » de 1989, consacré au bicentenaire de la Révolution française, Pierre-Jean Berrou évoque dans plusieurs pages « la défense de la côte ».
« Après l’entrée en guerre de l’Angleterre en février 1793, les habitants de Guilvinec se trouvèrent en première ligne.
On remit alors en activité les batteries côtières, les corps de garde et les mâts à signaux. »
L’historien répertorie plusieurs épisodes qui se sont déroulés dans cette partie maritime de Plomeur :
Le 15 juillet 1793, « Attaque anglaise dans le port par un corsaire anglais à la poursuite d’un chasse-marée. »
Mars 1795 : « Attaque au canon d’un convoi de 50 voiles escorté par 3 frégates de la République au large des Etocs par 3 frégates anglaises. »
Avril 1795 : « Un drame de la mer : La Galathée, frégate de 40 canons de la République, 244 hommes d’équipage traînant en remorque une prise anglaise, fit naufrage sur les Etocs. » (Plus de 200 morts ou disparus)
Fin avril 1796 : « Débarquement sur la Grève Blanche de 3 agents (prisonniers français relâchés) au service des Anglais. Arrêtés par une patrouille, ils finirent par avouer être porteurs d’une lettre destinée à Cadoudal, chef des Chouans du Morbihan. »
Mai 1796 : « Nouveau coup de main anglais dans le port du Guilvinec. Le lougre de 18 canons, l’Ecureuil de Brest, réfugié dans l’anse du Guilvinec, après avoir été canonné par un vaisseau anglais, fut poursuivi par une frégate. Les Anglais y mirent le feu et le firent exploser après l’avoir pillé, sous le regard impuissant des soldats du corps de garde. »
Juin 1799 : « Le corps de garde de Guilvinec fut attaqué de nuit, plusieurs fois, par des « malveillants ». Aucun ne fut fait prisonnier, mais les soupçons du recteur de Plomeur allaient vers “ceux qui ont des enfants émigrés ou qui tiennent à des émigrés.”
La défense du corps de garde fut renforcée par des fusils supplémentaires et une batterie de canons en 1799.  »
D’autres opérations « commando », menées par les Anglais eurent lieu dans le secteur de Penmarc’h à Saint-Pierre, la Joie, Pors Carn ou encore Kérity en 1800.

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Un tableau de Michel Bouquet illustrant ces épisodes : le Vétéran rentrant à Concarneau sous le feu des Anglais (Musée de Brest)

Un autre épisode tragique eut lieu pendant la période napoléonienne :
« Le 7 novembre 1809, une frégate et des péniches anglaises tentèrent de s’emparer du lougre l’« Oreste » qui était sous la protection de la batterie de Guilvinec. Seuls deux canonniers étaient à leur poste. Ils tirèrent sur l’ennemi et voulurent servir les deux pièces. Trop pressés, ils n’écouvillonnèrent pas et oublièrent d’obturer la « lumière », si bien qu’ils eurent tous deux les mains déchiquetées par la déflagration. Cependant, les Anglais, devant le feu nourri qui les avait accueillis, s’étaient éloignés : l’Oreste était sauvé. » (Source http://www.infobretagne.com/glenans-blocus.htm)

Activités de pêche en 1857 à Guilvinec

Un courrier du Commissaire de l’Inscription maritime de Quimper adressé au Syndic des gens de mer à Pont-L’Abbé, daté du 28 novembre 1857  ̶  une des plus anciennes traces écrites conservées en archives (SHD Brest) et concernant l’activité du port  ̶ évoque une demande de création de réservoirs à homards et à langoustes.
Deux marchands de poissons, l’un de Penmarc’h (Rozec-Després) et l’autre de Guilvinec, dénommé Le Cossec (et par ailleurs, cultivateur), ont déposé une demande d’autorisation d’établir des réservoirs à homards et langoustes dans les rochers de la côte.
Les démarches à suivre sont les suivantes :
1. Toute demande en concession d’une portion du rivage pour établir soit un parc soit un réservoir doit être écrite sur papier timbré.
2. Un plan des lieux doit accompagner la demande ; il devra indiquer la position du terrain sollicité, les dimensions sur chaque côté et sa superficie totale ainsi que les diverses voies de communication, édifices et propriétés l’avoisinant. Le plan dira en outre dans quelle commune est situé le terrain dont il s’agit.Ce plan doit être délivré par un ingénieur des ponts et chaussées qui le certifie exact.
3. Les susnommés devront indiquer leur profession et leur domicile et préciser le but exact de leur demande.
Les deux réservoirs de Le Cossec, excavations taillées dans le roc pour y retenir l’eau de mer, auront les dimensions suivantes :
1. un trapèze de 4 m de long, large de 3 m et 2,30 m , 1,50 m de profondeur;
2. un carré de 4 m2 de superficie, 1 m de profondeur.
Ils seront recouverts de madriers espacés de 3 ou 4 cm, scellés dans le rocher et maintenus avec une barre de fer ; une ouverture munie d’une porte-charnière sera pratiquée sur le dessus, dans ces madriers.
Aucun autre document ne permet de savoir précisément où ces réservoirs seront réalisés (le premier à 80 m de la palue, le second à 100 m).
Ceux de Penmarc’h (Rozec-Després) seront situés pour l’un, sur le plateau de rochers dit la petite Poire, près du port de Kérity, à 100 m de la terre (Rectangle de 15 m sur 5), et l’autre sera établi sur le rocher de Loc Carrec, près du chenal de Toulliec à 2000 m de terre (Rectangle de 5 m sur 4).
Le demande de Le Cossec est autorisée par un arrêté du 19 février 1858, « dans des conditions exceptionnelles : la présente autorisation, accordée à titre gratuit et sous réserve de toutes les prescriptions (moins celles relatives aux dimensions et au mode d’installation), ne constitue pas un droit de propriété, mais seulement un usage essentiellement précaire et révocable dont la suppression ne saurait ouvrir au détenteur aucun titre à indemnité.
Il demeure donc entendu que cette autorisation ne saurait comporter avec elle l’aliénation des terrains qui seront occupés par les réservoirs projetés, lesquels terrains continuent de faire partie du domaine public maritime et devront, au besoin, être remis en leur état primitif par le concessionnaire à la première réquisition d’un service public. »

Signé Hamelin
Doc SHD Brest 3P1 28

Guilvinec Le corps de garde

La construction de la criée du port du Guilvinec à la fin des années 1950 vit dans le même temps la disparition du corps de garde, l’un des plus vieux bâtiments de la commune avec le château de Kergoz et la chapelle Saint-Trémeur.

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Carte de la fin du 18ème siècle ( 1771 1785 BNF Gallica)

A partir du début du 18ème siècle et jusqu’en son milieu, les côtes furent équipées de corps de garde en pierre pour se protéger de « l’ennemi qui venait de la mer ». En effet, les pirates et corsaires anglais de Jersey et Guernesey, et parfois des hollandais, ne se faisaient pas prier pour mener des incursions sur certains points de la côte bretonne.

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Modèle de plan de corps de garde (ici celui de Beg Meil)

Lors des guerres avec les anglais, ceux-ci auraient également pu débarquer des troupes ; on construisit donc, pour les prévenir, tout un réseau de batteries côtières et de corps de garde sur tout le littoral pour assurer principalement la protection des mouillages et estuaires.
Dans le Pays bigouden, les corps de garde — répertoriés en 1793 et qui figurent sur la carte Beautemps-Beaupré de 1818, corrigée en 1867 — étaient situés, outre celui du port du Guilvinec (Plomeur), à Kérity et Saint-Guénolé (Penmarc’h), Saint-Oual (Loctudy) et Sainte-Marine (Combrit). Une importante batterie fut également installée à l’Ile Tudy.
Equipés de 2 ou 3 canons, leur service nécessitait 7 hommes encadrés par un sous-officier. Des milices côtières (les hommes du guet) existaient également, appelées par le tocsin qui relayait les signaux sur mâts, consistant en drapeaux annonçant l’arrivée d’un danger par la mer.

Outre la guérite en pierres, celui de Guilvinec comportait également une poudrière (ou magasin à poudre) et un jardin. Son chef, Jean Courrier, était assisté de 5 canonniers.

Le 19 décembre 1856, l’ensemble fut remis aux domaines par décision du Ministre de la Guerre pour être affecté au service des Douanes.

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Carte postale du début du 20ème siècle; le corps de garde réaménagé est le bâtiment blanc au centre; au fond, l’Abri du marin nouvellement construit (Doc AD 29)

Contrairement à la norme (toits en dalles de granit – qui avaient peut-être disparu?), il était couvert d’un toit en chaume jusqu’en 1879, date à laquelle il fut agrandi et couvert en ardoises pour le service des Douanes, lors de la création du terre-plein de stationnement des voitures (charrettes ou chars à bancs) qui transportaient le maquereau à la gare de Quimper.