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BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois : quelle langue ? à lire ; à boire et à manger, un regret

Breton : la langue des marins ou la langue des intellos ?

À l’entrée du « pitit pont », deux écriteaux bleu marine portent chacun une inscription en lettres blanches : « Bateaux visitables. Bagoù da weladenniñ » et « Embarquement Voiliers traditionnels. Lestrañ gouelier giz gwechall ».

Sur les affiches de la fête, on a inscrit « Gouel ar bigi Brest » pour « Fêtes maritimes de Brest ». Qui a proposé ce « bigi » ? Probablement un marin des bords de l’Hyères — rivière qui coule dans la capitale du Kreiz Breizh, là où se trouve le siège de l’« Académie » de la langue bretonne — un marin d’eau douce qui n’a jamais navigué sur la mer. Car, oui, dans nos ports de pêche, les bretonnants natifs n’emploient que le mot « bagoù » pour le pluriel de « bag » et ce, depuis des décennies, voire plus.

De la même manière, la plupart de nos animateurs et journalistes bretonnants de France Bleu Breizh Izel et leurs invités ont donné fréquemment du « bigi », en direct de Brest. Mais curieusement, lorsque la fête s’est transportée à Douarnenez (où il reste encore une véritable culture maritime et bretonnante), on a entendu tout naturellement « bagoù » dans la bouche de la grande majorité des interlocuteurs.

Alors, « bagoù » ou « bigi » ?

« Bagoù » est le mot connu de la plupart des marins bretonnants (qui n’ont pas appris la langue à l’école, mais par transmission familiale ou sociétale). « Bigi » est un terme de la littérature écrite employé surtout par les néo-bretonnants, appris dans les livres, les livres de messe et les dictionnaires.

Ce mot, tout comme « bageier », autre dénomination littéraire, a probablement été inventé, selon l’expression de Yves Le Gallo, par un « marin de bord de Vilaine » qui, bien ancré sur le plancher des vaches, préférait l’abstraction des lettres aux vagues de l’océan.

On peut faire à ce « marin » le même reproche que celui fait à la mauvaise prononciation de kouign amanne au lieu de kouign aman-n. N’eo ket gwir, paotred ha merc’hed Douarnenez ?

À lire, entre les lignes

Notre quotidien national brestois, « le journal », Le Télégramme s’est encore singularisé par son ignorance de la convention typographique qui veut que les noms de bateaux soient écrits en italique. Et ce n’est pas nouveau ! On me rétorque que c’est à cause du logiciel de mise en pages qui est formaté de cette manière. Je répondrai qui sont les hommes qui décident de cela ? Pas des marins ou des amoureux du patrimoine maritime ! C’est une certitude : la technologie informatique dévore l’humain, au service de quoi ? Posons-nous la question !

Quelle platitude de voir leur personnalité, leur identité, à nos navires, réduite en visibilité. Placés au même niveau que le reste du texte, noyés dans la masse, il faut avoir de bons yeux pour les distinguer. Un certain manque de respect pour ceux qui sont, avec les marins qui les montent, les éléments centraux de ces Fêtes maritimes ! Messieurs du Télégramme, changez de logiciel s’il vous plaît ! La plupart de vos concurrents, eux, n’ont pas abandonné cette convention, bravo à eux !

Après les messieurs du Télégramme, les dames sont à l’honneur (ou devraient l’être) : on a pu lire dans un article de Zoé Gachen du 16 juillet 2024 : « Les femmes font leur trou dans l’eau !! ». Sachant que l’expression « faire son trou dans l’eau » a pour synonymes : couler (pour un navire) ou mourir (pour un marin), on peut se demander quel est le niveau de connaissance de la langue des marins exigé par notre journal pour accepter la publication d’un tel contresens par une jeune journaliste (et sans vérification de sa hiérarchie). Son objectif était certainement de valoriser une jeune femme face à de gros mecs lourdauds — l’intention est forcément louable —, mais qui tombe complètement à l’eau, c’est le cas de le dire, au sens propre et au sens figuré !

À boire : « Peu importe le prix du flacon, … ! »

Exception faite du bar de la Confédération paysanne, votre verre en plastique siglé des Fêtes, consigné 1 euro, (en principe) rendu avec le retour du récipient vide, faisait l’objet d’un achat obligatoire dans la plupart des bars extérieurs de ceux du quai ou chez les brasseurs. On peut se poser la question de la légalité du procédé qui pourrait s’apparenter à de la vente forcée ! Ou aussi celle du détournement de l’esprit de cette manière de faire, inaugurée, il y a quelques dizaines d’années par les « Vieilles charrues » ou autre festival, dans une optique écoresponsable ?

Le prix des bières (demi ordinaire) est rarement en dessous de 3,50 euros — mais plutôt à 4 euros, voire 4,50 —, sauf au pub Mac Guigan’s où j’ai pu commander au bar intérieur une Coreff ambrée à 2,70 euros, le prix habituel. Bravo aux irlandais ! Une belle économie, sans taxe et avec le sourire !

À manger

À l’exception de nos amis anglais avec un atelier de fumage de harengs, personne n’a eu la bonne idée (logique et évidente pour une fête maritime) de proposer la dégustation de produits de la mer : sardines, thon, maquereaux ou autres poissons locaux. Juste à signaler, un timide « sardines and chips » devant la criée. Une nouveauté remarquée (surtout pour le prix de 20 euros la part alors que le kilo en juillet, à la criée, était en moyenne compris entre 10 et 15 euros), les langoustines-frites, une association quelque peu “hérétique” pour les connaisseurs de la « demoiselle de Guilvinec ».

Par contre, on trouvait partout de nombreux stands de bouffe standard qu’on aurait très bien vu figurer au marché de Noël ou lors de kermesses ou autres foires-expos diverses, avec une propension au sucré. Après le Brexit et la casse des chalutiers ici-même, à 200 m du site de la fête, on aurait pu imaginer voir une opération solidaire organisée conjointement avec les marins-pêcheurs pour une mise en valeur forte de leurs produits.

Guerre et paix : un regret, le rejet du Shtandart

Le Shtandart amarré au pied du château de Brest pendant les fêtes maritimes 2016.

Là aussi, la solidarité n’a pas pu s’exprimer face à la raison d’État, malgré la bonne volonté affichée par la Ville de Brest, les organisateurs de la Fête et le soutien de tous les authentiques marins.

Lire le point de vue de l’association de marins “Mor Glaz” ainsi que celui de Hervé Hamon dans le Télégramme.

En guise de conclusion,

Un constat se confirme depuis quelques éditions : le marin est de moins en moins au centre des Fêtes maritimes de Brest. Il le pense, il le dit et, pire, souvent ne vient plus avec son bateau, se contentant de l’ambiance de Douarnenez ou d’autres rassemblements plus respectueux de l’humain naviguant.

S’il n’est pas ignoré, il n’en est pas moins marginalisé, voire utilisé comme faire-valoir. Une véritable fête est celle où les participants se prennent en main et en sont les principaux acteurs et non les spectateurs plantés ici et là pour faire décor.

Souvenez-vous des Paganiz (les Païens), la pièce de théâtre de Tangi Malmanche, magistralement interprétée sans répit tous les étés au village de Meneham à Kerlouan par la troupe du Strollad ar Vro Bagan de Goulc’han Kervella. Ce morceau d’anthologie de la culture bretonne et maritime nous rappelle de manière symbolique ce qui constitue justement le fondement de l’attachement des Bretons à la mer. A mettre en parallèle avec le constat précédent pour comprendre cet attachement.

Les Arvorizien, les habitants du bord de mer, revendiquent la légitimité du « lagan », la grande loi suprême de la mer, persistance d’un droit ancien révoqué par les ordonnances de Colbert de 1681. Et c’est dans cet esprit, me semble-t-il, qu’il faut situer le ressenti négatif des marins vis-à-vis des Fêtes maritimes brestoises.

BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois Après la fête

Le 18 juillet

Après avoir fait, on défait. Mais ce n’est pas une défaite, sauf peut-être pour certains fêtards ? Un vrai succès, que ces fêtes.

Je suis de retour sur le site, mais du côté Est pour un RDV à 9 heures chez la rhumatologue qui a dû prendre une semaine de congés forcés. Pas facile de se garer. Certains secteurs du port sont encore interdits à la circulation. Le déménagement et le démontage ont déjà commencé tôt ce matin. Après le départ de la plupart des bateaux pour le « retour de noces » à Douarnenez, quelques-uns restant cependant à quai. L’un d’eux, anglais, n’a pas pu quitter Brest ce matin, l’un de ses marins ayant heurté la bôme au niveau de la tête. Il a fallu l’hospitaliser à la Cavale Blanche.

Il va falloir faire place nette et remettre les lieux en état. Ici, il y a aussi des gens qui travaillent toute l’année ! Les structures tubulaires de certains échafaudages, en particulier ceux qui portaient le matériel de sonorisation, déjà enlevé, partagent la verticalité avec les mâts et les grues. L’« igloo »-demi-sphère qui abritait le village polaire a perdu sa couche (de glace) de plastique blanc. Un homme casqué et sanglé comme un alpiniste s’apprête à démonter les superstructures sous l’œil vigilant du monument américain.

Le premier bassin s’est vidé de ses occupants. Il ne reste, le long des pontons provisoires, qu’une pirogue du Pacifique, quatre kayaks, deux canots vernis ainsi qu’une caravelle bleue et orange. Le quai Malbert rime avec désert. Les grandes tentes blanches aux toits pointus font penser à celles des Bédouins. Ne manquent que les dunes de sable et les dromadaires ! La pirogue mélanésienne creusée dans un tronc d’arbre, piteusement abandonnée sur un tas de sable ocre, se demande ce qu’elle fait encore là ! L’ancien canot de sauvetage d’Ouessant Patron François Morin est venu s’amarrer au ponton de la Recouvrance, face au trois-mâts hollandais Kampen, positionné à l’embarcadère des Îles.

Les pêcheurs à la ligne commencent à regagner leur poste préféré sur la digue Lapérouse. Maquereaux, dorades et autres aiguillettes, attention à vous ! On vous a laissés tranquilles pendant une semaine. Attention à ne pas vous retrouver dans leurs assiettes ! Une barrière métallique a fini dans l’eau près de la passerelle d’accès aux pontons, côté sud de la marina. Un long morceau de rubalise rouge et blanche flotte entre deux eaux, pour les séparer ?

Les pontons provisoires sont retirés par les techniciens de l’entreprise de location Locaponton, accompagnés d’un plongeur opérant sous la surface pour enlever les fixations reliant les différents blocs. Un skipper barbu (c’est souvent le cas, me direz-vous !) détache des drisses les décorations aériennes, le pavillon de la fête et d’autres, dont un poisson-manche à air joliment décoré.

Clap de fin, mais pas tout à fait : le mur extérieur de la digue va garder la mémoire de la course autour du Monde des Ultimes en début d’année. Remportée par Charles Caudrelier dont l’empreinte des deux mains a été moulée et reproduite dans une plaque de bronze installée ces derniers jours.

Les deux événements maritimes majeurs brestois de 2024 laisseront, scellés dans nos souvenirs des moments où les tourments divers de l’actualité ont été gommés pour faire place à une impression de zénitude, de laisser-aller et de relations positives et détendues.

BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois J 6

J 6 mercredi 17 juillet

Dernier jour avant la grande régate qui va mener les bateaux d’une fête à l’autre, le « retour de noces » de Brest à Douarnenez, selon l’expression des « penn-sardin » farceurs qui désignent ainsi son prolongement dans le port sardinier. Quittant la rade pour la baie, l’« armada » va contourner les trois pointes de la croix que forme la presqu’île de Crozon.

Cette fois-ci, pour le troisième jour de mon abonnement — les « cartilages de mes genoux ayant bien chauffé » le lundi, selon l’expression de Gaétan, mon kiné, qui n’est cependant pas inquiet pour moi — j’ai décidé de réduire le temps de marche. Arrivé en voiture près des halles de Recouvrance, 10 minutes à parcourir à pied suffiront pour rejoindre la porte Jean Bart.

En Penfeld, la pirogue baleinière — Eh oui, ça existe ! Et ça vous épate ! — Sterenn de Lanester, qui peut naviguer à voiles, à rames ou à la pagaie, fait sa belle en paradant devant un joli canot vert bouteille gréé en sloop.

Sur le quai, au Fablab Iroise, c’est le bonheur pour les petits et grands Géo Trouvetout, chercheurs prolifiques jamais rassasiés de traficotages et d’inventions : « The right place to be ! » En effet, le Fablab affiche clairement sa philosophie : « Partager, concevoir, apprendre et réaliser ».

Au pied de l’ancien 2e Dépôt, caserne des équipages, le chasseur de mines Andromède se visite. Au-dessus, l’immeuble bientôt cédé à la Ville, a été investi par une joyeuse bande d’artistes qui ont mis au point l’opération « Brest au rendez-vous », une série d’animations du lieu du 5 au 17 juillet. Des plasticiens facétieux ont eu l’idée d’u installer une bonne douzaine de tentacules géants de céphalopodes rouges, verts ou bleus, sortant d’autant de fenêtres et prêts à capturer tout ce qui passe à leur portée. De quoi traumatiser une nouvelle fois les grands travailleurs de la mer Hugo et Gilliatt !

Un groupe de scouts (louveteaux) défile sans ordre, un peu décontractés avec tous leurs écussons cousus sur le dos, sans se prendre pour Tonton Cristobal ! Ils sont suivis de peu par un fourgon de premiers secours de l’Ordre de Malte France, siglée d’une croix blanche sur fond rouge. Encore des gens indispensables !

Sous le tunnel, la foule déboule ! A la sortie, porte Surcouf, le point de vue sur le Parc à Chaînes et le monument américain et ses pins parasols voisins en surplomb surprend le brestois moyen qui n’a jamais l’occasion de passer ici. Le photographe n’a pas, lui non plus, l’occasion de cadrer cette vue sous cet angle avec, en premier plan, une barrière blanche et rouge, surmontée du drapeau tricolore. Un couple LGBT, main dans la main, contemple le bâtiment Barracuda et les promeneurs.

Je me dirige vers la marina du Château et la digue Lapérouse où le mouvement des bateaux de la fête est le plus visible avant une petite régate en rade. Mais, là, pour aller les voir de plus près encore sur l’eau0, c’est une autre affaire car il faut trouver un embarquement ! Sur le mur Ouest du bâtiment des Phares et Balises, l’exposition des « Portuaires », grands personnages du port dessinés, peints et collés par Paul Bloas, voit défiler des milliers de personnes et la digue est noire de monde. Seuls les mâts des grands navires de la fêtes dépassent de cette masse, comme des grands arbres au-dessus d’une forêt.

Les photographes — je ne parle pas de ceux qui capturent des images par le biais de leur téléphone — s’en donnent à cœur joie ! Je précise qu’un « vrai » photographe se reconnaît au fait qu’il colle son œil au viseur d’un Canon ou d’un Nikon, de préférence (les deux derniers fabricants d’appareils photos avec une véritable optique). En bref, quelqu’un qui sait mettre en pratique l’expression fétiche d’Henri Cartier-Bresson : « Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur.»

Des sujets, ils n’en manquent pas : les élégants voiliers de belle plaisance (faciles à reconnaître, ils sont souvent tout blancs et vernis), les bateaux du patrimoine un peu plus « carrés » ou « pansus », c’est comme vous voulez, aux voiles tannées de couleur ocre rouge, le misainier de Lesconil le Sauveur des Petits, une yole de mer de compétition qui glisse à la surface de l’eau, Seagull de Yann Mauffret qui file à belle allure, une caravelle (embarcation sur laquelle j’ai fait mes premières et dernières armes à la voile à l’Île Tudy en 1968-69 avec le lycée de Pont-l’Abbé), le chalutier guilviniste Blue Wave, Poe, voilier de 1965, un Skellig 2.2, voilier transportable de chez Plasmor, gréé « en lougre » à deux mâts avec deux voiles au tiers, un peu comme les sinagots, le cotre noir Karreg Hir BR 732721, de l’écomusée des goémoniers de Plouguerneau, de 1969, réplique d’un sloop goémonier de 1930, Martine, BR 267931, bleu au liston rouge, sloop goémonier de Landéda.

Une bonne vingtaine de personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite passent, embarqués sur la barge aménagée du Centre de Moulin-Mer, mise à disposition de l’association Distro War Vor (retour en mer). Ce moyen de transport adapté leur permet d’être sur l’eau pendant une heure et demie, et d’admirer au plus près toutes les embarcations qui naviguent en rade. Une « belle échappée » dont ils se souviendront longtemps.

L’horizon, dans la direction du Sud, ressemble à une accumulation de mâts, une forêt de triangles souvent blancs ou rouge-orange, une verticalité et une géométrie puissance mille dominant cette ligne étriquée autour de la rade, une vision somme toute limitée pour les marins qui veulent découvrir de grands horizons inexplorés. Et paradoxalement, l’Histoire nous démontre le contraire car, passé le goulet, l’immensité est à prendre, elle est à eux. Ils l’ont prouvé depuis quelques siècles, quittant Brest et revenant, faisant avancer la science de par les connaissances accumulées lors de leurs épopées maritimes autour du Monde.

Par milliers, les spectateurs se pressent sur la digue Lapérouse. Pas de Caudrelier, Coville, Gabart, Joyon, Le Cléac’h et consorts. Non, non, ce n’est pas l’arrivée d’un Tourdumondiste du Jules Verne ou celle d’un Ultime dernière génération, il s’agit d’un spectacle que nous offrent la marine nationale et la SNSM. Un spectacle à couper le souffle : un hélicoptère H-160 de la base de Lanvéoc-Poulmic et une vedette de la SNSM vont procéder à une opération d’hélitreuillage bien rodée. Commentée au micro par un spécialiste, la démonstration recevra les applaudissements et de grands signes amicaux de la main de la part des parents et de leurs enfants, montés sur leurs épaules pour ne rien rater du ballet aérien et nautique.

Devant la digue, la majestueuse et médiatique Étoile du Roy ferme le ban. Plein à ras bord de passagers, on aurait dit un « boat-people » d’où émanait de la musique populo-franchouillarde du style bal de noce ou karaoké, à fond les amplis, très peu dans l’esprit des Fêtes maritimes.

Retour sur le quai des baliseurs. Une queue impressionnante s’est formée pour la visite de l’Hydrograaf. Les auteurs de Locus Solus dédicacent sous un parasol. Certains, auteurs de BD, comme Erwann Le Bot, sont très concentrés sur le dessin original ornant la première page de l’album qui va repartir loin de Brest avec son nouveau propriétaire. De même pour les artistes-auteurs de la galerie POD, dans une tente voisine, tous graffeurs ou bédéistes : Gwendal Le Mercier, Gildas Java, Nibor, Wen 2, Julien Solé, … Un grand plaisir aussi de revoir l’ami Pod à qui l’on souhaite de recouvrer une meilleure santé.

Un grand coup de corne de brume ponctue la sortie du port de la frégate FREMM Normandie. Son départ est salué par des centaines de personnes.

Au village polynésien, un jeune sculpteur kanak travaille sur des troncs d’arbre pour réaliser de petits tikis aux motifs traditionnels des Îles du Pacifique. Une équipière de Roland Jourdain, tee-shirt siglé de la fondation We Explore (navires à voiles construits à base de matériaux naturels comme le lin), suit de près les gestes de l’artiste. Dans le stand voisin, des habitants de Nouvelle-Calédonie informent les visiteurs sur la signification du drapeau et des symboles de la Kanaky (son nom en langue mélanésienne pour les indépendantistes) : le bleu du ciel, le rouge du sang versé, le vert du sol, de la terre ainsi qu’un soleil jaune sur lequel figure en noir, le toutoune, emblème du chef de clan kanak. J’aurai d’ailleurs une longue discussion avec l’un d’eux, actuellement en formation professionnelle à l’UBO. Quelques boutiques voisines proposent les classiques colliers de fleurs ou de coquillages, des instruments de musique ou des vêtements en tissu imprimé richement colorés et ornés de motifs géométriques ou de formes végétales stylisées.

Face au chantier du Guip, à l’extérieur du stand du Musée de la marine, des comédiens costumés proposent une reconstitution vivante des techniques liées à la navigation et au bateaux au Moyen-Âge. Tout près, un atelier offre des démonstrations de fabrication de kayaks et canoës, à faire soi-même. Quelques très beaux exemplaires terminés et vernis sont exposés devant le stand.

Avant d’entrer au Guip, un jeune ouvrier-charpentier nous invite, explications et matériel à l’appui, à découvrir les techniques de torsion du bois et leur application à la charpente de marine bois lors de la construction d’un navire. Deux étuves pour le cintrage des bordés sont également présentées. L’utilisation de la vapeur d’eau permet de rendre flexible le bois et lui donner une forme courbe, ce qui ne manque pas, me direz-vous, dans une quelconque coque !

A l’intérieur du grand hangar, plusieurs expositions permettent de se rendre compte du savoir-faire du Guip. Des coques de bateaux de plaisance en cours de finition, récemment vernies, donnent l’impression — concept que ne renierait pas Claude Monet — d’être face à un kaléidoscope de couleurs ou plutôt à un miroir réfléchissant ceux qui le contemplent. Un coin du chantier est réservé à Paul Bloas et ses « Portuaires ».

Tous les soirs, avec la complicité de Serge Tessot-Gay, guitariste de « Noir Désir », il réalise en direct, devant un public de près de 200 personnes conquises, une performance consistant à créer une nouvelle œuvre peinte. Un vrai succès, m’a confirmé Paul après la fête.

Sur un établi, des plans de demi-coques permettent aux visiteurs de comprendre la structure de la coque d’un navire. Mais c’est à partir d’une demi-coque en bois (modèle qui va permettre de visualiser sa silhouette) que les charpentiers vont pouvoir établir la forme des carènes et les profils de la charpente axiale ainsi que les couples nécessaires à la construction. (Pour plus de détails voir le site du Chasse-Marée)

Un mur du chantier sert également de galerie d’exposition à quelques artistes-peintres (parmi lesquels une grande amie, Anne Smith, Peintre Officiel de Marine) et photographes.

Face aux bureaux du Guip, j’aperçois deux vieilles connaissances en grande discussion : Roger, porte-drapeau des anciens combattants et résistants de l’ANACR et Yffic, Maire du « Port de », élégant bob de couleur crème sur la tête et arborant le tee-shirt des « Tonnerres de Brest 2012 ». Mais ce n’est pas tout ; arrive alors Brigitte Simon, artiste brestoise renommée, et dans la foulée (olympique) François Cuillandre. Deux maires d’un coup ! L’occasion est trop belle (et trop rare) : et hop ! Clic-clac Kodak ! Voilà tout ce beau monde dans la boîte à images !

Tandis que les lichous font la queue au stand « Tacoz sucré » et autres croque-brioche, kouign-amann et glaces, je décide qu’il est grand temps pour moi de me rincer le gosier (sans visiter les Antilles). J’opte donc pour le bar extérieur du Remorkeur, décoré de faux bachis en papier. Après avoir commandé un demi, je demande au serveur s’il est le patron. Parce que, figurez-vous, le patron, c’est l’oncle de mon kiné. Ce n’est pas lui, mais son père est là et les présentations sont faites. Juste à ce moment, j’avise un ami d’il y a près de 60 ans du Lycée de Pont-l’Abbé et je l’invite à prendre un verre. C’est curieux, car nous ne nous rencontrons quasiment qu’ici, lors des fêtes maritimes de Brest ! Dans la même classe de la quatrième à la seconde, il s’agit de Jean-Guy Le Floc’h, PDG d’Armor Lux, un des principaux sponsors des fêtes. C’est à chaque fois l’occasion de bavarder amicalement et d’évoquer des amis communs, de leurs parcours et bien d’autres souvenirs, en toute simplicité.

Après avoir emprunté le tunnel et le « pitit pont », retour rive droite, à Recouvrance au pied de la Tour Tanguy qui veille sur le Biche, thonier de Groix, que je salue avant de quitter définitivement le site par la porte Jean Bart. En attendant 2028 !

BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois J 4

J 4 Lundi 15 juillet

Retour sur le site des Fêtes maritimes pour une deuxième journée marquée par des pluies diluviennes en fin de matinée. Mais, pas de panique ! Tout a séché et le ciel s’est éclairci. Il ne nous apportera que quelques brumisations sporadiques durant l’après-midi. Il ne m’a même pas fallu sortir le vêtement de pluie de son sac ! Conséquence de cet arrosage, la fréquentation s’en ressent et comme il y a moins de monde, on va pouvoir circuler plus facilement.

J’accompagne depuis la gare un ami artiste qui doit me quitter, car il peut accéder au site par une porte réservée aux porteurs de bracelets attitrés. L’entrée est une simple formalité ; moins de cinq minutes, à comparer aux 20/25 minutes de samedi. Je repère de suite le stand du SHOM et l’ami JB, également sonneur de biniou braz à la Kevrenn Sant-Mark. Lui et ses collègues de travail du Service Hydrographique proposent aux visiteurs de tester de manière ludique leurs connaissances sur la rade de Brest à l’aide d’un logiciel et d’une maquette. Je dois modestement avouer que je n’ai pas réussi à répondre correctement à toutes les questions.

En face, de l’autre côté du Parc à Chaînes, pas de bagnards, mais un papa au chapeau de pirate qui aide son fils pour une chasse aux trésors organisée par le stand « Loisirs en Finistère ». Juste à côté, l’Office de Tourisme du Gosier et de la Désirade (et non désir de rades — il y en a plein sur le quai — pour se remplir le gosier), vous fait miroiter la beauté et l’exotisme de la Riviera des Îles de la Guadeloupe. Allez ! un peu de rêve, ça vous changera de vos envies terre à terre quotidiennes ! Si La France Inconnue vous tente ! …

Je décide d’emprunter le tunnel pour rejoindre la zone militaire le long de la Penfeld et la rive droite côté Recouvrance. La Marine Nationale a investi les lieux ou plutôt, a installé ses expositions chez elle, car il est vrai que ces quais, sis au pied du Château de Brest et de la Tour Tanguy, lui appartiennent. Selon une blague 1000 fois usée, la seule matière grise de l’Arsenal aurait été constituée des couches successives de peinture grise que les matafs appliquaient consciencieusement sur les coques des navires (et qu’ils ne devaient pas saluer !). Et là on se rend compte qu’elle a bigrement évolué. Toutes les spécialités ont bénéficié des avancées technologiques récentes.

Près d’une hélice de patrouilleur, un objet à la couleur jaune pétante attire mon attention : peut-être est-ce là le fameux « yellow submarine » des Beatles ? Un espoir vite déçu ! Non, en réalité, il s’agit de Daurade, un drone sous-marin mis au point par DGA Techniques navales et le SHOM.

Capable de descendre jusqu’à 300 mètres de profondeur, ses instruments de bord, dont une série de sonars (latéral, multifaisceaux ou conçus pour sonder les sédiments lui permettent d’effectuer toutes sortes de mesures lors de missions de reconnaissance comme la cartographie d’un fond, des relevés bathymétriques pour établir un profil, chercher des objets sous-marins, posés ou mobiles, déterminer la nature du fond, etc. (source futura-sciences)

Dans la tente voisine, toutes les composantes actives de la Marine, DGA, Naval Group, la base aéronautique de Lanvéoc-Poulmic, présentent avec moult explications savantes missions et missiles, maquettes d’avions, de sous-marins et de navires, dont le porte-avions Charles de Gaulle, voire même un jeu de bataille navale sur table. Le tout est complété par l’exposition de matériels et tenues pour diverses interventions, dont le sauvetage en mer par hélicoptère et hélitreuillage des personnes.

J’ai même pu discuter avec un homme en tenue jaune ocre de plongeur-démineur. Dans le même secteur, il était possible d’échanger avec les fameux “oreilles d’or”, personnes chargées de la veille auditive sur les sous-marins, véritables Sherlock Holmes du son sous la mer.

À l’extérieur, des pilotes en tenue devant un cockpit de Super-Étendard expliquent leur métier. Les enfants surtout, très intéressés, n’hésitent pas à y grimper et s’y faire photographier pour la postérité. « Maman, quand je serai grand, je pourrai être pilote ? »

Sous le pont de Recouvrance, la SNSM a installé son QG, face aux canots orange amarrés au ponton quand ils ne sont pas sur le plan d’eau pour promener les visiteurs (ou alors appelés pour une intervention — Si, si, ça arrive, même pendant les fêtes ; en 2008, mon ami Raymond Le Gain, patron du canot SNSM de Guilvinec, m’a raconté comment, un après-midi, il a leur fallu sortir pour remorquer un vieux gréement avec une voie d’eau en plein milieu de la rade. « C’était moins un », m’a-t-il dit !

Ici, l’ordre du jour est de remplir les caisses : vente de vêtements et de divers objets, recueil de dons, … permettront aux stations des rentrées absolument indispensables pour assurer le fonctionnement, l’entretien et le renouvellement des canots de sauvetage. Ceux de l’Aber Wrac’h sont là aujourd’hui pour présenter le scooter des mers, indispensable pour des opérations près de la côte quand la mer est démontée, des combinaisons de survie et expliquer aux visiteurs leur rôle et leurs missions, et — pourquoi pas — susciter des vocations ?

L’André Malraux, navire de recherches archéologiques du DRASSM (organisme du Ministère de la Culture — un nom obligatoire et logique quand le bateau en dépend) est à quai et s’apprête à appareiller. Et c’est à cause des préparatifs du départ et de la mise en route des moteurs que, malgré les interventions sympathiques d’une bénévole et d’un matelot du bord, le pacha ne m’autorisera pas une dérogation pour le visiter (ma carte d’adhérent à la Société Archéologique du Finistère ne suffira pas). Le journaliste d’une radio associative de la région toulousaine se verra également refuser l’accès à bord.

Face au plateau des Capucins, la Garonne, BSAM (Bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain), construit à Concarneau en 2019 est visitable par le public. Lui, il reste à quai. Je fais demi-tour et décide, après avoir salué Baba Merzoug, de traverser pour de bon la Penfeld en empruntant le « pitit pont » de la chanson (le Pont Gueydon).

Au pied du grand pont, une association de modélisme naval navigant propose aux enfants de diriger à l’aide de boîtiers dédiés, munis de manettes, toutes sortes de bateaux téléguidés sur un plan d’eau artificiel de 300 mètres carrés. Cette expérience leur suffira-t-elle pour embarquer sur de grands voiliers, les commander « en vrai » et partir à l’aventure sur tous les océans du monde ?

Au moins, ils pourront en rêver en admirant, à quai rive gauche, au pied des imposants remparts du Château, les navires-école de la marine, le Mutin, l’Étoile et la Belle Poule, accompagnés de leur équivalent belge (le Zenobe Gramme, du nom de l’inventeur de la dynamo, immatriculé A 958) et de bateaux de la belle plaisance. Plus prosaïquement, ils pourraient aussi s’essayer sur la Nébuleuse (CM 2024, quelle coïncidence!), joli thonier de 19 m, peint en émeraude et vert bouteille, construit à Camaret en 1949 (75 ans, trois-quarts de siècle, respect mon commandant !).

Du pont de Recouvrance à la porte Jean Bart (un sacré client celui-là), le village « Actions de l’État en Mer » permet à différents organismes de se montrer au public et expliquer leurs missions : la gendarmerie maritime, le CEDRE et le CEPPOL (anti-pollution), le DRASSM (archéologie sous-marine), etc … René Tréguer, ancien gardien de but du Stade Brestois capte des photos et tape la discute.

Des passionnés de maquettisme échangent avec les visiteurs aux yeux écarquillés lorsqu’ils apprennent le nombre d’heures qu’il a fallu pour chaque réalisation, un vrai travail de patience et de minutie pour aboutir à une finition très réaliste. Une mention spéciale pour une chaloupe guilviniste immatriculée GV 1969 (année du mariage de l’auteur), ainsi qu’au majestueux porte-avions Charles de Gaulle de l’ami Yvon Bouder. Champions !

16 h 52 : l’André Malraux vient de quitter son amarrage et passe sous le pont de Recouvrance. Pas besoin de lever celui-ci, mais une demi-heure d’ouverture du pont Gueydon et un peu de patience supplémentaire pour celles et ceux qui veulent traverser. Et donc, retour rive gauche après un intermède de discussion rugbystique avec un responsable rennais de la sécurité, à l’accent du sud bien prononcé, et qui avait entendu parler du PAC Rugby de Plouzané. Je suis accueilli par un bagad, le Strollad Bro Leon de Bourg Blanc qui interprète « Tri martolod », la chanson des marins de Léchiagat et qu’interprétait, il y a cent ans, mon arrière-grand-mère Augustine Le Pavec.

Un peu plus loin, un petit bâtiment cubique, l’Observatoire du niveau de la mer est ouvert (très rare!). Ce marégraphe, l’un des plus anciens au monde, a été installé dans le port militaire de Brest en 1846 par Chazallon. Sa visite est une occasion unique de comprendre les enjeux du changement climatique et de l’évolution du niveau marin. Pour plus d’informations, voir le site du SHOM.

Juste à côté, les gentils papys bricoleurs de la « Caisse à clous » initient les enfants, gars et filles, à la découpe du contreplaqué marine pour réaliser une toupie, un joli souvenir de la fête. En toute sécurité, ils vont pouvoir — peut-être pour la première fois — se servir d’une scie, d’un marteau, d’un étau ou autre meule à main. Quand le tout sera assemblé, l’objet pourra être peint et « roule ma poule ! » Au milieu du flot de visiteurs, je fais la bise à une amie de longue date, Anne Smith, Peintre Officielle de la Marine, qui participe avec d’autres artistes- peintres à l’exposition présentée au Chantier du Guip.

D’autres enfants, près de la pointe de la Rose, ont l’honneur, rare car exceptionnel, de se joindre à quelques choristes des « Marins d’Iroise » pour entonner le populaire et inusable « Santiano » d’Hugues Auffray. Un pur bonheur se lit sur tous les visages, vieux et jeunes. Même la mascotte de la chorale ne boude pas son plaisir.

Assise sur une chaise, une dame se fait soigner le genou par une « équipière secouriste » de la Croix Rouge. Pas toujours visibles, mais 100 % indispensables, les secouristes sont présents sur tout le site de la fête, en veille pour intervenir rapidement et prendre en charge les victimes de bobos ou autres problèmes plus sérieux. Sur la grande pelouse de la Pointe de la Rose, une troupe en résidence au Fourneau a installé un dispositif pour présenter un spectacle à un petit public déjà installé sur des gradins démontables en bois.

Un petit tunnel creusé sous la batterie de la Rose permet de rejoindre un sentier étroit longeant le pied des remparts du Château sur son flanc Ouest. A son extrémité, on aboutit au Parc au Duc et on passe devant un petit cénotaphe en marbre noir, portant la mention en lettres d’or : « En hommage aux nageurs de combat de l’Armée de Terre et de la Marine nationale péris en mer ». Nous sommes toujours rive gauche, mais sur le terre-plein sud du Château qui accueille un marché de créateurs et de produits locaux.

Deux villages occupent le reste de l’esplanade avant le quai Tabarly : Under the Pole, Océanopolis, … les scientifiques brestois sont à l’œuvre pour une sorte de grande Fête des Sciences maritimes et océaniques. Au menu : actions contre le changement climatique, lutte contre les pollutions, préservation de la biodiversité et des ressources marines, le tout dans une ambiance ludique et pédagogique. Le village des Jeux propose des activités sportives avec, entre autres, un bassin permettant une initiation à certains sports nautiques. Un cinéma en plein air complète cette offre.

Dans un petit stand couleur vert d’eau, l’inamovible Jacky Le Gall dédicace un livre écrit par Hervé Ugo qui raconte 50 ans de Stade Brestois qui rêve maintenant d’Europe après sa belle troisième place en championnat de Ligue 1. Ayant entendu, de la part de joueurs, que le Monsieur n’avait pas beaucoup d’humour, je lui suggère que la meilleure solution pour assurer la présence du Stade en Coupe d’Europe tous les ans était de militer pour l’indépendance de la Bretagne. Il n’a pas apprécié la plaisanterie et je n’ai donc pas insisté.Retour sur les quais du « Port de ». La boucle est bouclée. On peut dire que j’ai parcouru les 7 kilomètres de quais de la Fête en deux après-midis, sans toutefois prétendre donner une vision exhaustive de tout ce qui était proposé aux visiteurs. Le Maire de Plouarzel, arborant un pantalon rouge pétant, loin de ses convictions politiques, passe devant moi, incognito dans la foule.

Les « Sérial Cleaners » se regroupent pour faire le point. Équipés de sacs à dos, gants et pinces télescopiques, ils arborent des gilets vert fluo bien reconnaissables avec leur logo dans le dos . Certains portent un grand sac ou poussent un bac poubelle à roues pour y déposer leur récolte. On peut leur tirer un coup de chapeau, car le site est vraiment clean. Une autre de leurs équipes ne passe pas inaperçue, car elle est accompagnée d’un cheval attelé à une carriole pour ramasser les sacs déjà remplis sur tout le site.

Devant le chantier du Guip, en plein milieu du Village « Patrimoine maritime », les bénévoles des « Amis du Sinagot » partagent leur passion avec des visiteurs particulièrement intéressés par le Trois Frères, posé sur le quai près d’un stand d’information. Comme tous les jours après 18 h, une compétition se prépare au bassin n° 1: deux petits canots (annexes) sans gréement, l’un bleu clair au liseré rouge, l’autre jaune d’or et liseré noir, s’affrontent pour une course à la godille. Un aller-retour de quelques dizaines de mètres et une bouée à virer pour les marins arc-boutés sur leur aviron.

Des souvenirs de ma jeunesse à Guilvinec me reviennent en voyant ces godilleurs : à 7/8 ans, nous, fils de marins-pêcheurs, savions déjà godiller et ce, bien avant se savoir faire du vélo !

Fin de la journée. Je m’offre une petite Coreff au Pub Mac Guigan’s et une dernière photo pour la route : Dan, le patron, et Vincent (celui des 4Vents) trinquent, l’air satisfaits du déroulement des Fêtes maritimes.

JO 2024 : “C’est magique quand le monde se rassemble”

Souvenez-vous : Face à la situation des droits de l’homme en Chine et au Tibet, à quelques jours du 8 août 2008 (cérémonie d’ouverture des jeux olympiques), Reporters sans frontières appelle les amoureux du sport à se mobiliser contre la répression des défenseurs de la liberté d’expression.

D’après RSF Pékin 2008

16 ans plus tard, aux JO 2024, Coca-Cola dévoile sa campagne mondiale “C’est magique quand le monde se rassemble”.

Les drapeaux régionaux, comme le drapeau breton sont proscrits.

Cherchez l’erreur !

BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois J 2

Comme j’ai acheté (à l’avance) un billet trois jours à 30 euros pour les brestois, je vous conterai seulement mes pérégrinations du samedi 13, du lundi 15 et du mercredi 17. Il faut bien, à mon âge, ménager sa monture et s’économiser, vu les 7 kilomètres de quais à parcourir. Je ne vous parlerai pas non plus des animations en soirée ou nocturnes, car je n’y étais pas. A chaque journée suffit son labeur !

Samedi 13 juillet

Quand on descend de la gare à pied pour rejoindre le site des Fêtes maritimes, l’attention est attirée par un parking un peu spécial : le jardin Beautemps-Beaupré a été aménagé en garage à vélos — obligatoire — avec vue sur rade. Un premier avant-goût du spectacle qui se donne sur l’eau, du haut de ce balcon naturel. Vu d’ici, le Lamaneur de Paul Bloas, tel un cow-boy installé sur le bâtiment Le Grand Large, semble vouloir capturer avec son lasso les mâts des grands voiliers qui virent sur le plan d’eau du Port de avant de gagner la rade.

La foule, en rangs serrés, commence déjà à entamer une longue reptation entre les lignes parallèles matérialisées par les barrières métalliques des entrées, formant des couloirs où l’on doit se conformer à la norme établie : attente, fouille des sacs et vérifications des billets d’entrée (il est loin le temps où ceux-ci étaient tout simplement perforés chaque jour). Quel plaisir pour moi, lors des précédentes éditions, d’échapper à toutes ces formalités, étant accrédité presse en « free lance », ce qui me permettait de bénéficier de ce fait d’un accès direct et rapide par un couloir dédié à ces « privilégiés » dont je faisais partie.

A l’extrémité ouest du Parc à Chaînes, un peu plus loin que les manchots en plastique de l’Institut polaire français, posés au garde-à-vous devant des igloos très géométriques, Jean-Jacques Seité et ses équipes sont parés pour emmener les visiteurs découvrir la fête en calèche tractée par deux puissants postiers bretons.

Les quais sont noirs de monde. On comptera environ 100 000 personnes ce samedi, tout comme le dimanche 14 juillet. La digue La Pérouse, habituel lieu de promenade pépère, dominicale ou non, de rencontres sympathiques et spot particulièrement apprécié des pêcheurs à la ligne de toutes nationalités arrivés à Brest, est devenue le belvédère par excellence pour admirer de près le passage des voiliers, entrant et sortant du port. Pour les photographes, il est cependant difficile de prendre des clichés originaux sans cadrer dans leur champ de vision ces horribles canots en plastique — que certains nomment « tupperwares » — et autres boudins de caoutchouc avec leur moteurs hors-bord surpuissants qui produisent des sillages parasites sur l’eau.

Dans l’enclos des Phares et Balises, je retrouve les Éditions Locus Solus : Régis, sage comme une image dans son barnum, plus quelques auteurs en dédicace, parmi lesquels l’ami Jean-Jacques Grall avec son dernier ouvrage, « Le Blocus », qui met en scène les côtes bretonnes à l’époque napoléonienne, quand nos « meilleurs ennemis » anglais avaient positionné leurs navires pour empêcher tout ravitaillement et les entrées et sorties des ports bretons.

Du quai voisin où est amarré l’Hydrograaf, on a une vue panoramique sur trois bassins et trois éperons, où trônent en majesté les imposants trois ou quatre-mâts. En plein milieu navigue, paré des couleurs du drapeau ukrainien, le chalutier guilviniste de nouvelle génération, le Blue Wave (personnellement, j’aurais préféré qu’il soit nommé — en breton, evel justGwagenn Glas), navire à propulsion diésel-électrique.

Face au « Bonjour-Bonsoir » du Fourneau, derrière le pavillon de la Région Bretagne, quelques douzaines de touristes s’essayent à la gavotte et autres danses traditionnelles. Un chanteur-animateur, au micro au centre du cercle, donne des conseils aux novices et dirige la manœuvre. Pour la coordination de l’ensemble, ça reste de l’à-peu-près, mais enfin, en cette année olympique, l’essentiel est de participer, n’est-ce pas, cher Baron ?

Majestueuse comme un cygne glissant à la surface de l’eau, la Recouvrance s’avance sous voiles, devant une douzaine de misainiers parés de belles couleurs sur fond de coque noir, blanc ou bleu, alignés sagement au ponton devant la poissonnerie brestoise du bâtiment Le Grand Large. Sur le parvis Nord de celui-ci, une façade colorée et illustrée d’anciennes affiches de spectacles populaires divers attire le regard. C’est la face pile de l’espèce de mosquée décrite précédemment (J – 1). En réalité, il s’agit d’une sorte d’ancien théâtre en bois, de forme circulaire, qui propose nombre d’animations pour les enfants (de 0 à 77 ans !).

Côté Est du Quai de la Douane, toujours la même foule compacte. Au 4e bassin, parmi les coquilliers de la rade, deux chalutiers guilvinistes se font remarquer par la profusion de couleurs vives de leur grand pavois, hissé comme à chaque grande occasion. Contrairement au Blue Wave, qui emmène ses passagers sur l’eau, l’Atlantique et Bellatrix — du nom d’une étoile de la constellation d’Orion — sont visitables au ponton et permettent au public de s’informer sur le rude métier de marin-pêcheur au chalut, pas mal malmené ces derniers temps.

Juste devant les bigoudens, le Saltillo, élégant ketch espagnol de 1932, voilier-école de la région de Bilbao, capitale de la Biscaye, en Pays basque. Après avoir dépassé le village Terres de Bretagne et ses agriculteurs, on se retrouve de l’autre côté du 4e éperon, là où se trouve le Bélem. Magnifiquement pavoisé, ses trois mâts n’arrivent cependant pas à rivaliser en hauteur avec la vénérable grue bleue et jaune d’or Paindavoine n° 4, de 1951, classée monument historique en 2013 et un peu oubliée des guides touristiques, du fait de son emplacement dans une zone du Port de commerce aux grilles infranchissables en temps ordinaire.

Dans le 5e bassin, les grands voiliers néerlandais font face à l’Étoile du Roy, réplique de frégate corsaire de 1745. Mais ici aucun affrontement avec les marins des Pays-Bas. Au contraire, le trois-mâts basé à Saint-Malo, paré de noir et or, est ouvert au public et peut même recevoir à bord jusqu’à 120 personnes en mer. De longues queues se forment pour le visiter.

Devant le « hangar à patates », pas de frites, mais, voisinant avec une crêperie, un curieux — et c’est peu de chose de le dire — « Kebab breton, 100 % cochon » interpelle le visiteur. Certains esprits tordus se sont même posé la question de la décence du sujet, à savoir s’il s’agissait d’un cinéma en plein air qui projetait des films classés X ! D’autres avaient envie de manifester : « Oui aux galettes-saucisse ! Non au Kebab cochon ! »

Un sauveteur en mer de la SNSM (SNS 158 Éric Tabarly) de la Trinité sur Mer s’inquiète de l’équilibre précaire d’un gabier de la Recouvrance, perché tout en haut d’un mât pour rouler une voile. C’est beau, la solidarité des gens de mer ! Amarré au quai au fond du 5e bassin, le remorqueur de haute mer Abeille Bourbon, au chômage technique, contemple la figure de proue dorée de l’Étoile du Roy, arborant fièrement une poitrine généreuse que parvient à contenir difficilement un corset lacé serré.

Sur le terre-plein voisin, le village méditerranéen présente quelques pointus et autres barques aux couleurs vives, joliment agrémentés de symboles porte-bonheur. Les couleurs catalanes (sang sur fond or) y occupent une place prépondérante bien entendu. Autre curiosité, Lollo, un gozzo, bateau de pêche à voile italien joliment restauré. Les premiers de ce type ont été construits au milieu du XIXe siècle. Ces barques traditionnelles font aussi partie de la famille des pointus.

Dans la foule qui arpente les quais, outre les authentiques « pompons rouges » de la Marine nationale, quelques imposteurs sans uniforme se promènent, arborant un bachi en papier, bien imité, sur la tête. Je les soupçonne d’être allés se rincer le gosier sur le quai de la Douane, au Remorkeur qui en affichait une belle collection dans son bar extérieur !

Espace François Quéré (baptisé lors des Fêtes 2012 du nom d’un marin-pompier mort lors de l’explosion de l’Ocean Liberty en 1947), près de l’ancienne poste, sponsorisés par Brittany Ferries, ont pris place nos amis d’Outre-Manche. Baptisé « Escale Manche et mer Celtique », le lieu présente des bateaux anciens. Quelques ateliers expliquent par le geste le savoir-faire des Anglais et des Gallois en matière de techniques de construction navale, de fabrication de paniers en osier, de sculpture pour la décoration navale ou encore du fumage du hareng. Dans un coin, les jeunes agriculteurs présentent leurs produits bien formatés et bien alignés comme il se doit, en rangs d’oignons de Roscoff (de préférence).

Au carrefour 4Vents-esplanade du Grand Large, une bande de frapadingues musicaux emportent la foule par leurs notes de piafs en folie. Joliment déguisés, ce sont les musiciens-magiciens-caméléons de la fanfare de rue Fanfarnaum, aux airs entraînants rythmés par la batterie de l’ami Papik. Toujours bien assoiffé après un set d’enfer, il ne serait pas convenable pour lui de refuser de trinquer avec d’autres déguisés, mais d’une manière un peu plus uniforme, moins colorée sans trop de fantaisie, car officielle. Cependant, ils arborent un généreux sourire car, voyez-vous, la Marine — Eh oui ! Ce sont bien eux — se doit de faire bonne figure auprès des visiteurs sur les quais.

Retour sur le quai Malbert : j’avais oublié de mentionner la présence des plus vieilles embarcations navigantes au monde, les pirogues et radeaux en papyrus ou en balsa géant des lacs Tana et Tchamo d’Éthiopie. Il manquait juste les crocodiles géants pour l’ambiance !

ACBL: les ardoises de Sezny Péron au Bergot de Lannilis

L’Art dans les chapelles du Léon organise chaque été un circuit culturel qui mêle patrimoine et création contemporaine. L’association a pour ambition de promouvoir des artistes qui investissent une chapelle pour y présenter leur travail.

A voir absolument : à Saint-Yves du Bergot (Lannilis) les recherches minérales de Sezny Péron (pas de copinage, nous ne sommes pas de la famille). Un travail plastique original et authentique tout en contrastes entre le gris de l’ardoise, le noir du support et la lumière qui vient agencer le tout, en jouant sur la mise en scène des différents paramètres dans chaque œuvre.

« J’utilise l’ardoise des toits, j’aime leur bleu aux nuances affinées par les ans, j’aime leurs lignes de surfaces, leur vibration dans le tranchant, j’aime leur dureté de roche, leur fragilité de feuille… Je les place dans un environnement sobre, noir. Passant de l’état de feuille à l’état de bloc, elles me racontent leurs origines, me dévoilant un peu de leur histoire, elles m’aident à écrire la mienne. » (Sezny Péron)

BR 2024, carnet de bord d’un promeneur brestois J – 1

Les bassins commencent à se remplir d’embarcations de toutes tailles, du kayak au quatre-mâts portugais Santa Maria Manuela ou encore le gigantesque navire de recherche, le Thalassa d’IFREMER (75 m). Un petit bateau à vapeur douarneniste décolle du ponton du quai Malbert et envoie, en même temps qu’un jet de vapeur, quelques coups de sirènes un peu rauques.

Sur Golden Vanity, voilier historique de 1908, et ses collègues à couple, l’heure est à l’apéro et à la convivialité entre marins. Très important, il ne faut pas l’oublier. Et, si l’on vient à Brest, c’est pour ça surtout ! Juste à côté, trois magnifiques curraghs irlandais ou gallois. Tout noirs avec les liserés, les bancs et les mâts peints de couleurs vives, bleu rouge ou orange, ils ont été désertés par leurs équipages, partis probablement à la découverte des pubs du quai.

Un peu plus loin, une galerie de quatre tikis taillés dans des troncs veillent sur le village polynésien. Devant les bureaux du Guip trône un magnifique sinagot à deux mâts, Les Trois Frères, classé Monument Historique, construit au Bono en 1943 et symbole de la commune de Séné. Deux hommes discutent près du voilier : Yann Mauffret, maître-charpentier du chantier du Guip, originaire lui aussi du Golfe du Morbihan (Ile aux Moines); son interlocuteur n’est autre que Daniel Fresneau, président de l’association “Les Amis du Sinagot” avec qui je ne vais pas tarder à faire connaissance, en langue bretonne, mar plij !

Sur le quai de la Douane, le bar la Frégate s’est parée de motifs colorés de style pop, très flashy. Un canot à misaine de la Vilaine (et ça rime!) s’essaye à tirer des bords devant l’immense quatre-mâts portugais, suivi de peu par des rameurs de l’aviron de mer de Plougonvelin.

Un docker-artiste décore allègrement les conteneurs de la Penn ar Bed de silhouettes de vieux gréements présents au deuxième bassin.

Vincent, le patron des 4Vents, excité par l’imminence de ses premières fêtes maritimes, essaye du haut de son balcon, malgré tout, de prendre de la hauteur et dominer la situation un tant soit peu pour mieux la maîtriser.

Les bateaux-navettes prévues pour embarquer les personnes à mobilité réduite sont amarrées au ponton des bateaux de pêche du troisième bassin. Un drôle de barnum de style mosquée stambouliote avec pour minaret le monument américain trône devant le Grand Large, près du village des enfants.

Et voilà, maintenant, le décor est en place. Faites entrer les acteurs et les spectateurs. Et que la Fête commence !