Cette découverte qui a mis au jour une construction extrêmement intéressante et dont l’existence est demeurée longtemps insoupçonnée, va donner aux archéologues des éléments nous permettant de connaître une (petite et modeste) partie de la vie des anciens habitants qui ont peuplé ce coin maritime du Pays bigouden, il y a quelques milliers d’années.
« Le journal Excelsior, dans son numéro du 12 août 1926, nous apprend la découverte d’un monument mégalithique au Guilvinec, dans le canton de Pont-l’Abbé (Finistère). Ce monument est une allée couverte de 12 mètres de long. »
Ce sont Marthe et Saint-Just Péquart qui ont déblayé ce monument, inclus dans la dune, et qui ne révélait sa présence que par quatre crêtes rocheuses, avec tout le soin nécessaire aux travaux de ce genre, ce qui leur a permis de donner de cette allée couverte un plan détaillé et une reconstitution.
Au cours de l’été 1926, Marthe et Saint-Just Péquart sont mis en relation, grâce à leur ami Georges Monot, correspondant de la Commission des Monuments historiques à Pont-l’Abbé, avec Emile Le Corre, mareyeur à Guilvinec qui leur indique une portion de terrain sableux enclavée dans les maisons de pêcheurs environnantes.
Quatre crêtes rocheuses émergent de la dune de quelques centimètres. L’agencement de ces pierres leur paraît si évident qu’ils ont l’impression d’être en présence de vestiges suffisamment intéressants pour justifier une prospection.
Le 14 Juillet 1926, munis de tout le matériel indispensable, ils sont à l’œuvre avec Georges Monot. Le terrain à explorer se trouve près du lieu dit Men-Meur, à l’extrémité Ouest de Guilvinec, à 500 mètres environ du port et à 100 mètres à peine de la laisse de mer.
Allée couverte de Pors Poulhan (Plouhinec)
Ils vont se trouver en présence d’un monument composé de trois parties indépendantes dont il ne reste que les piliers : une grande allée centrale, composée de deux parois, longues de 10,50 m environ, bornée à chaque extrémité par une dalle transversale, et à laquelle paraissent s’accoler, de part et d’autre, d’Est et en Ouest, des rudiments de chambres adventices.
Ils vont aussi déterrer un menhir de 2,50 m de long, couché directement sur le sol naturel. Son extrémité Nord était taillée en lech sur une longueur de 1 mètre environ, tandis que le reste de la pierre, jusqu’à la base, était resté absolument brut.
Interpellés par ces particularités, les archéologues formulent les hypothèses suivantes :
« Le monolithe était le menhir indicateur de la sépulture. Au moment de la construction du monument il se trouvait érigé, comme tout l’ensemble mégalithique, sur le sol primitif. Au cours des siècles qui ont suivi, les sables ont recouvert le monument jusqu’au niveau des dalles de couverture. Le menhir, à ce moment se trouvait donc enfoui jusqu’à 1,50 m de son extrémité inférieure n’émergeait par conséquent que de 1 mètre au dessus des sables.
Il est donc plus que probable que les populations vivant à cette époque, et trouvant le monolithe surgissant de la dune, l’ont adapté à leurs coutumes en le taillant en lech. Plus tard, la guerre acharnée que les différents conciles et Charlemagne lui-même dans son édit d’Aix-la-Chapelle (789) livrèrent aux païens adorateurs des pierres, entraînèrent la destruction du lech.
La position du monolithe, reposant sur le sol primitif à 1,50 m au-dessous du niveau de la dune, indique nettement ce qui s’est passé. Voulant enfouir ce lech, les gens chargés de ce travail eurent la désagréable surprise de constater qu’ils n’avaient pas affaire, comme pour la plupart des lechs, à une pierre enfoncée de quelques dizaines de centimètres dans le sol. Ils durent descendre jusqu’au niveau primitif et enlever le calage du menhir. Puis ils l’ont basculé dans la fosse ainsi creusée. »
Le menhir sera redressé et remis en place à son emplacement primitif. Il se trouve actuellement au Musée de la préhistoire finistérienne à Pors Carn (Penmarc’h).
Pierre-Jean Berrou suppose que ce menhir indicateur du monument a été vénéré à l’époque gauloise et seule la partie qui émergeait a été retouchée en pierre sacrée. L’enfouissement de cette pierre païenne s’explique par la vénération dont elle a continué à être l’objet à l’époque chrétienne.
Allée couverte de Pors Poulhan
En conclusion, les archéologues nous livrent leur point de vue sur leur découverte et son avenir :
« Quoiqu’il en soit, on peut se rendre compte, par les dimensions que nous en donnons, l’importance de l’allée couverte de Men-Meur. Construite avec des matériaux de choix, dalles énormes et superbes, érigées avec une science et un soin remarquables elle apparaît comme un témoignage de la vénération dont jouissaient, de leur vivant, les personnages inhumés dans cette sépulture.
Ceci termine nos observations sur le magnifique monument de Men-Meur en Guilvinec. Il ne nous reste qu’à souhaiter de le voir longtemps sous la sauvegarde de ses heureux propriétaires qui nous ont assuré que toutes les mesures seront prises par eux en vue de sa conservation. »
Malgré ce vœu pieux, cet ensemble mégalithique de Men-Meur n’est plus visible actuellement. Cette allée couverte datant de 3000 ans avant JC, « une des plus belles du Finistère », selon Serge Duigou, a été particulièrement maltraitée :
« Amputée de ses dalles de couverture, elle a fini démontée dans le jardin du musée de Penmarc’h , où elle fut déposée par un entrepreneur peu soucieux de respecter les règles de protection des monuments.
Pourtant, plusieurs de ces énormes dalles « revivent » aujourd’hui à Pors Poulhan (Plouhinec) où elles ont servi à restaurer la magnifique allée couverte récemment mise en valeur par Michel Le Goffic. On reconnaît les dalles de Men-Meur au grain différent du granit du Cap Sizun. »
Sources :
gallica.bnf.fr / Bibliothèque de l’INHA / coll. J. Doucet, 2010-76550
gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-G-1331 L’anthropologie Paris 1928
Société Archéologique du Finistère – SAF 1927 tome 54 – Pages 48 à 72 http://le-finistere.org L’ALLEE COUVERTE DE MEN-MEUR (GUILVINEC)
Histoire du Pays bigouden Serge Duigou, Jean-Michel Le Boulanger (Ed Palantines 2002)