Pauvres vieux

Il n’y a pas que pendant cette période de confinement imposé par la loi que sont signalés des abus de la part de certains membres zélés des forces de l’ordre. En voici un exemple daté de plus de 120 ans, arrivé à deux pépés échappés de leur EHPAD – on disait « hospice » à l’époque – et voulant se distraire un peu. A rire ou à pleurer ?

« Le 10 de ce mois, vers une heure et demie de l’après-midi, un des gendarmes de notre brigade venait de surprendre les nommés Guirriec (Corentin), 18 ans, marin-pêcheur et Bilien (Michel), 26 ans, journalier, pêchant des plies à la main, dans l’étang de Pont-l’Abbé, soumis au régime fluvial.

En s’en retournant, le gendarme vit deux vieux bonshommes, qui étaient assis sur la berge et qui, pour passer le temps s’étaient amusés à jeter dans l’eau, chacun une mauvaise ligne de fond, à laquelle étaient attachés deux hameçons. Pour les retenir, un caillou, tout ce qu’il y a de plus primitif.

Procès-verbal a été dressé contre ces deux pauvres vieux : ce sont les nommés Copias (Pierre), 72 ans, et Loussouarn (Pierre), 80 ans, tous deux pensionnaires de l’hospice, qui s’étaient rendus sur le bord de l’étang. Ces malheureux n’avaient pris aucun poisson et il est probable qu’ils n’en auraient pu prendre.

Le gendarme, sévère, a verbalisé et a confisqué la ligne de ces vieux enfants ; ils ont dû pleurer, nous en sommes persuadés. Espérons que M. le Procureur de la République saura apprécier les faits à leur juste valeur et tiendra compte à ces délinquants de l’innocence de leurs intentions. »

Journal Le Finistère 1899