Le toponyme Guilvinec

La toponymie ou étude des noms de lieux

L’étude des noms de lieux, de leur origine, de leurs rapports avec les langues parlées ou disparues nous livre de précieuses informations quant à l’évolution des relations entre les sociétés et leur environnement. La toponymie est l’empreinte d’un peuple sur son territoire, son identité ; elle décrit un milieu plus ou moins façonné par l’homme, c’est un véritable trésor linguistique.

« Or si un toponyme doit permettre d’identifier très précisément un détail géographique localisé, il n’a pas été attribué par l’homme de façon arbitraire, mais dans un souci de description du paysage et d’évocation des activités que les habitants y exerçaient1. »

La toponymie n’étant pas une science exacte il faut se garder, qui que l’on soit, de prétendre tout expliquer. Néanmoins je me suis attaché à donner les éléments d’explications qui me semblaient les plus probables en l’état actuel des connaissances et d’un certain « bon sens » quant à l’observation objective du paysage.

Carte de 1866, AD 29

Guilvinec, plusieurs versions

Ar Gelveneg est le nom breton du village originel qui est devenu commune le 6 avril 1880 sous le nom de Guilvinec. Le nom « Le Guilvinec », même s’il est passé dans l’usage, n’a jamais été et n’est pas son nom officiel.

Le toponyme est très ancien et antérieur à la fin du XIVe siècle : le manoir de Kergoz est cité parmi les « maisons nobles » de Plomeur en 1380 comme résidence de la seigneurie de Guilvinec.

On a relevé les graphies suivantes2 : Kerluineuc en 1381, Quelmennec en 1383, Guelvynec en 1540, Le Quilfinec, Quilvinnec au XVIIIe siècle. Le nom du quartier de Kervennec est noté Kerménec en 1617.

L’étymologie du nom est incertaine et proviendrait :

  • selon Bernard Tanguy (cité par Hervé Torchet, Plomeur et Le Guilvinec au Moyen-Âge), on trouve dans le cartulaire de Landévennec Cnec Menec, soit Crec’h Menec, butte fortifiée
  • ou (du même B . Tanguy) des mots bretons ker (village) et maenek (pierreux), ce qui paraît correspondre à Kervenec.
  • d’un mot du vieux breton golbinoc, pourvu d’un bec ou d’un rostre, qui a donné Golveneg, nom d’un passereau du genre moineau (Fleuriot)
  • ou, selon T. Coïc (Cité par Joseph Coïc, La flottille guilviniste), de Winoc, l’ancien nom de Gwenole, fondateur de l’abbaye de Landévennec.
  • ou encore serait dérivé de kelfen, souche ou rejet ligneux (nouvelles pousses qui repartent à partir de souches). Le secteur étant si peu boisé, excepté un Coat Bihan et un Méjoù Forest, situé du côté de Kerfriant, on a du mal à imaginer une telle quantité de souches qui aurait pu marquer à ce point les esprits. Un élément pourrait valider l’hypothèse des rejets ligneux serait la présence massive de saules dans la partie centrale du territoire, le ruisseau et la zone humide souvent inondée l’hiver, entre Tal ar Groas et Kervenec.

Yves Tanneau signale cependant qu’en 15403, on trouve trace d’un bois de Coat Lohan, qui devait être le bois de haute futaie dépendant du manoir, mais pense que ce n’est pas suffisant pour valider l’hypothèse Kelfeneg.

Pour ma part, en me fiant à l’observation du terrain, un élément retient mon attention et que de nombreux guilvinistes ont pu également remarquer : dans le quartier de la Palue, en particulier autour de l’ex-usine « Coop », à Kergoz, et dans le secteur compris entre Ruhaor et le port, là où se trouve le village-noyau Ar Gelveneg, il n’était pas rare de voir, le long des façades orientées au sud, des massifs de vigne plus ou moins importants.

D’autre part, on peut également noter que dans la plupart des graphies anciennes la lettre l est présente à la fin de la première partie du nom, kil (quil) ou kel (quel).

Ceci me permet de proposer une autre hypothèse : le nom Guilvinec serait composé, selon cette observation du lieu, de Killi : bosquet (ou bocage) et gwinieg, planté de vigne ou vignoble (gwini : vigne), ce qui donnerait Kil(li)Gwinieg, bosquet de vigne, correspondant à un élément du paysage remarquable et visible à l’époque ancienne où la région n’avait que très peu de végétation arbustive.

On sait aussi que le climat a connu au Moyen-Âge un épisode de réchauffement qui aurait permis un ensoleillement suffisant pour cultiver de la vigne ainsi que la production de sel (attestée dès le XVe siècle par des toponymes de marais salants : Poulguen et Silinou – salines – à Penmarch, Pouliguenor et Lagad-Yar – oeillets de marais salants – à Guilvinec).

Mais, au final, rien n’indique qu’on ait réussi à y produire du vin, du moins en quantité suffisante pour que la mémoire en ait conservé trace ! Et donc cette étymologie ne peut être considérée, ainsi que toutes les autres, que comme une hypothèse.

Belle vigne devant une maison de l’ancien quartier Ar Gelveneg

Photo Claude Péron

1 André Pégorier

2 Wikipédia Guilvinec

3 Yves Tanneau, Cahiers de l’Iroise