Le 27 octobre 1866, le Commissaire Touboulic, adjoint à Quimper, communique les décisions du Commissaire général au Capitaine du Sylphe, bateau garde-pêche basé à Bénodet. Celui-ci se demandait s’il devait dresser des procès-verbaux, trouvant que la surveillance des pêches devenait impossible s’il n’y avait pas de patron titulaire à bord de ces embarcations et si elles n’étaient pas pourvues de rôles de pêche.
Le Commissaire Touboulic va donner l’ordre aux syndic et gardes maritimes de faire connaître à ces femmes qu’elles aient à se mettre en règle dans un délai d’un mois.
A cette occasion, le 14 novembre suivant, le maire de l’Ile Tudy rédige une lettre à l’administration de l’Inscription maritime de Quimper pour défendre ces îliennes.
S’appuyant sur une tolérance qui aurait été, dit-il, accordée il y a 10 ou 12 ans, le maire demande que ces bateaux restent exclusivement armées avec des femmes et puissent circuler sans rôle de pêche.
Le Commissaire Touboulic affirme son opposition à la manière de voir du maire, notamment au point de vue de la sécurité de ces femmes elles-mêmes ainsi que de la police de la navigation.
(A cette époque, l’Ile Tudy est encore quasiment une île qui n’est pas reliée au continent comme aujourd’hui. La mer est omniprésente et constitue la seule ressource de ses habitant(e)s. Le maire sait bien, lui qui vit sur place, contrairement au Commissaire de Quimper, officier de la Marine impériale, que les enfants, filles et garçons, initiés par les anciens, savent godiller très jeunes et diriger une embarcation sans risque. Aider leurs parents à la pêche ou pour la cueillette des coquillages est vital et, ici, on ne se pose pas de questions inutiles. Le bateau est aussi un moyen de transport primordial pour les îliens.)
Le 18 novembre, ce sont quelques femmes de l’Ile Tudy qui viennent au bureau du Commissaire à Quimper défendre leur cause. Le suppliant de les laisser naviguer sans rôle de pêche, elles lui disent que la pêche et la vente des moules sont leurs seules ressources, que leurs embarcations servent en outre à aller chercher de l’eau potable pour l’île qui en est dépourvue et qu ‘enfin, si elles prenaient un patron, son salaire diminuerait d’autant le minime gain qu’elles peuvent faire.
Le Commissaire Touboulic, conscient des difficultés que peuvent connaître ces femmes, semble « craquer » devant leurs arguments. Il écrit au Commissaire général de Brest :
« Bien que cette manière de faire soit complètement contraire aux règlements, bien que la sécurité de ces femmes puisse en être compromise, on pourrait peut-être les autoriser à continuer à naviguer sans rôle d’équipage, en s’appuyant sur leurs besoins réels et en présence de la position toute exceptionnelle de cette île ? »
Le Commissaire général De Grandpont, ne voulant ni s’impliquer devant une situation si particulière ni sévir arbitrairement, lui répond sur un mode à la fois moralisateur, mais aussi philosophique et conciliant :
« Je ne puis vous donner pareille autorisation. Quand on croit devoir être tolérant, très tolérant surtout, il faut savoir en prendre la responsabilité au lieu de demander à ses chefs un excès de tolérance, ou de les mettre dans la nécessité de rappeler à l’exécution des règlements, agissez avec prudence, bienveillance et tact, mais ne souffrez point d’abus grave ni surtout d’extension à ce qui était toléré avant vous. »