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Guilvinec, « La priorité, c’est la pêche ! »

Les membres du collectif Au Nom du Ster(*) ont pris connaissance avec un grand intérêt du compte-rendu de la table-ronde qui s’est tenue au Guilvinec mardi 3 novembre, à l’initiative de la CCI, et qui réunissait les professionnels de la filière pêche.
C’est bien parce que les 4 associations qui composent le collectif pensent également et depuis le début de leur action que « La priorité c’est la pêche ! » qu’elles maintiennent leur opposition au projet de port de plaisance dans l’arrière-port du Guilvinec.
Leurs analyses convergent très largement avec celles du milieu professionnel. L’une des activités premières du pays Bigouden, de la Cornouaille, c’est la pêche. Ce secteur, avec les emplois directs et indirects qu’il génère, pèse très lourd dans l’économie locale. Le tourisme, trop saisonnier, ne peut être qu’une activité d’appoint, un complément économique, en ne perdant pas de vue, qu’il est en grande partie lié à la pêche et que son attractivité repose sur l’image positive que donnent les produits de la mer.
Ces évidences doivent être rappelées au moment où le monde de la pêche est sans doute à un tournant de son existence, dans un contexte budgétaire très défavorable : les collectivités – communes du Guilvinec et de Treffiagat, Conseils Départemental et Régional – n’ont-elles mieux à faire avec plus de 20 millions d’euros hors-taxes ? (c’est le coût – hypothèse basse ! – du projet de port de plaisance dans l’arrière port commun aux deux communes).

Montage Virginie Théry Collectif Au nom du Ster

L’argent public ne doit-il pas aller en priorité au soutien à la pêche ? Pour le collectif, poser la question, c’est y répondre.
Sans compter que les questions de fond posées depuis des années, ne reçoivent aucune réponse satisfaisante de la part des porteurs du projet qui n’ont probablement pas mesuré à sa juste valeur l’impact de l’augmentation du nombre de plaisanciers sur la zone côtière et qui ne manquerait pas d’accroître les tensions qui existent déjà sur la gestion des ressources halieutiques en zone littorale.
Quant au rôle fondamental des zones humides littorales vis à vis de l’écosystème marin, il est tout simplement ignoré Il est pourtant communément admis aujourd’hui que la baisse de la productivité de la chaine alimentaire dans les écosystèmes marins résulte pour partie de la dégradation des habitats côtiers tels que les zones humides littorales.
A un moment où le secteur “pêche” doute et manifeste de l’inquiétude pour son avenir, il semble que les élus locaux seraient mieux inspirés de travailler avec acharnement à conforter cette activité plutôt que donner à croire que la pêche n’a plus d’avenir en s’investissant dans la plaisance.
Cette stratégie risque de se payer au prix fort dans les années à venir car la plaisance ne pourra jamais constituer une activité de remplacement, sa complémentarité étant par ailleurs très problématique et discutable.
Il y a de la grandeur à reconnaitre que l’on s’est trompé, ou que l’on a vu trop grand, ou tout simplement que le contexte économique et budgétaire a changé : n’est-il pas temps pour les élus des communes de Guilvinec et Treffiagat de mettre fin à la fuite en avant, de renoncer publiquement à ce projet pharaonique et coûteux, et de le dire clairement à leurs concitoyens ?
Le collectif réaffirme la nécessité de donner la priorité à la pêche et demande l’abandon du projet de port de plaisance.

(*) Associations Sur un air de Terre, Sauvegarde du Littoral du Guilvinec,

Bretagne Vivante-SEPNB Pays bigouden et Eau et Rivières de Bretagne

1869 Elections, manoeuvres et réclamations

L’activité croissante du port du Guilvinec n’est pas sans laisser indifférents les différents camps qui s’affrontent lors des élections cantonales de 1869 ; en voici un éloquent témoignage :

“Je passe à une autre manœuvre, et voici ce que je lis signé d’un homme fort honorable, témoin des faits :
« La pêche du maquereau attire dans chaque saison au petit port de Guilvinec (commune de Plomeur) un grand nombre de marins. Il s’est créé là par cette affluence un centre commercial d’une certaine importance pour l’exportation du poisson, mais qui, jusqu’à ce jour, par l’indifférence de l’administration, est resté dépourvu des conditions les plus élémentaires d’aménagement.
Les commerçants et marins du Guilvinec ne savaient, au commencement de cette année, quelle était la suite donnée à leurs réclamations, quand, dans la période électorale, ils furent visités à plusieurs reprises par des conseillers de préfecture, et notamment un jour par le secrétaire général accompagné d’agents des ponts et chaussées qui promirent hautement pour cette année le commencement des travaux.
Peu après, les agents de M. du Couëdic y firent circuler une lettre du ministre des travaux publics à ce député, lettre que nous avons vue et qui annonçait que les avant-projets étaient terminés et qu’on allait procéder à la rédaction du projet définitif. Cela voulait dire en bon français, ou plutôt en français administratif, qu’il n’y avait encore rien de fait. »
C’était, par conséquent, un démenti donné aux affirmations téméraires des agents de la préfecture. Mais pour les habitants du Guilvinec peu au courant de la procédure administrative, cela avait une autre signification ; ils n’en pouvaient conclure qu’une chose, la confirmation des assurances qui venaient de leur être données.
Cette pièce donnait à leurs espérances, qui jusque-là n’avaient été éclairées par aucun renseignement officiel, une véritable consistance. Tel était le but poursuivi par les agents de M. du Couëdic ; ils ont inévitablement spéculé sur l’interprétation qu’on ne manquerait pas de donner à ce document après la visite des agents préfectoraux, et sur ce qu’on ne manquerait pas aussi d’attribuer à leur patron l’honneur du bienfait que l’on voyait ainsi annoncé par son entremise.”

Journal officiel de l’Empire français 1869/12/24

Une tentative de pisciculture à Veilh Vor en 1865

Une dépêche du 24 octobre 1865, du Ministre de la Marine au préfet maritime de Brest, autorise par arrêté M. Eugène de Toulgoët, propriétaire à Combrit, à établir un barrage ou réservoir à poissons dans l’étang du moulin à mer de L’Estriagat (Ar veilh vor).
Cet étang appartient à M. Le Gouvello qui en a fait location à M. de Toulgoët et l’a autorisé à pratiquer des essais de pisciculture. Une enquête a été ouverte et l’ingénieur des Ponts et chaussées a dressé un plan et fait un rapport visé et approuvé par l’Ingénieur en chef de Brest. La commission permanente des pêches et de la domanialité maritime ayant rendu un avis favorable, toutes les conditions sont donc réunies pour que le projet se concrétise.

Ce réservoir à poissons, de forme irrégulière, sera établi dans une partie de l’étang, situé au fond du port de Guilvinec. Il sera construit au moyen de deux barrages d’une longueur de 70 m au plus chacun, placés vers le milieu de l’étang. Ces barrages seront formés de madriers en chêne de 2 m de hauteur et distants les une des autres de 3 cm.
Le document précise qu’il ne sera apporté aucune modification à l’état actuel de l’étang du moulin de l’Estriagat qui continuera à être alimenté par les trois ouvertures déjà existantes dans la chaussée du dit moulin. En outre, le réservoir devra être établi de manière à contenir en tout temps, la quantité d’eau nécessaire à la conservation du poisson.
L’autorisation est accordée sous la condition expresse que M. de Toulgoët ne livrera à l’alimentation que des poissons ayant les dimensions réglementaires et que le réservoir ne donnera accès qu’aux poissons qui s’y introduiraient librement ou à ceux qu’il achètera aux pêcheurs ou à d’autres détenteurs de réservoirs.

Il ne pourra transmettre à quiconque la faculté d’exploiter son établissement, sauf à en faire la demande au bureau de l’Inscription maritime de Quimper. Si la cession est accepté par la Marine, le nouveau détenteur devra en continuer l’exploitation dans les mêmes conditions.
M. de Toulgoët est également tenu, pour la surveillance et l’exploitation de son établissement, de n’employer autant que possible que des inscrits ou des femmes, enfants, mères ou sœurs non mariées d’inscrits maritimes.
Il devra aussi faciliter les investigations auxquelles les fonctionnaires ou agents de la Marine jugeraient utiles de procéder pour s’assurer des conditions de l’exploitation.

La présente autorisation, accordée à titre gratuit, ne constitue pas un droit de propriété, mais seulement un usage révocable à la première réquisition de l’Administration de la Marine, sans que le détenteur puisse prétendre à aucune indemnité. Toute infraction aux dispositions qui précèdent pourra motiver le retrait de l’autorisation et s’il y a lieu, l’application des peines portées par le décret du 9 janvier 1852.

Cette tentative, comme de nombreuses autres, portées par M. de Toulgoët, ne sera jamais viable et sera abandonnée au bout de quelques années.

Doc SHM 3P1 35

Qui est M. Eugène de Toulgoët ?
Eugène François Le Goazre de Toulgoët est né le 21 septembre 1821 à Gouesnac’h. Il est le fils de Augustin Joseph Marie Gooazre de Toulgoët, propriétaire à Gouesnac’h et de Thérèse Jeanne Françoise Du Haffont. Il se marie le 10 janvier 1844 à Roscoff avec Aglaé Adèle Mallebay, fille d’un négociant de Roscoff.

En 1855, Eugène de Toulgoët fait construire le long de l’estuaire de l’Odet, à Sainte-Marine, l’une des premières grandes villas édifiées pieds dans l’eau. Cette grande demeure se dresse sur la pointe rocheuse de Beg-ar-Hoec, appellation tombée en désuétude. La mention « pointe de Toulgoët » figure désormais sur les cartes marines.
Construite en 1854, la maison prend quelques années plus tard le nom de château de Malakoff, car sa tour crénelée rappelait aux marins qui remontaient ou descendaient l’Odet un épisode de la guerre de Crimée auquel certains pouvaient avoir participé. La prise de la tour de Malakoff avait eu lieu le 8 septembre 1855.

Selon Wikipédia, Eugène de Toulgoët aurait été armateur d’une vingtaine de bateaux (les registres matricules de l’Inscription maritime conservés au SHD à Brest n’indiquent cependant que trois bateaux appartenant à de Toulgoët de Sainte-Marine : un canot, Agile, Q 18, un autre canot, Mulet, Q 72 et une chaloupe, Frisette, Q 215). Un brick, Edouard Corbière, Q 33, appartenant à un certain Malbay, nom de jeune fille de sa femme, apparaît également.
Différentes sources affirment aussi qu’il aurait exercé cette activité d’armateur à Lesconil ou Loctudy, mais les registres matricules du SHD de Brest n’en font aucune mention.
Eugène de Toulgoët se lance dans plusieurs tentatives de pisciculture sur la côte bigoudène et aux Glénan, mais apparemment la plupart de ces expériences vont tourner court, sauf peut-être celle de Kermor à l’Ile Tudy.
En 1853, grâce à la digue de Kermor, l’Ile-Tudy est relié définitivement à la terre ferme. La palud peut être “poldérisée” et c’est la naissance de trois fermes de “colonisation” : Beg ar Fry, Le Treustel, Kermor Braz ; l’agriculture prend petit à petit la place de la mer. Reste au pied de la digue un étang d’une vingtaine d’hectares d’autant plus intéressant à exploiter que la pisciculture est à la mode. Grâce à l’appui du duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, ami de la famille de Cresolles, propriétaire des étangs, la demande faite en mars 1862 “d’établir des parcs à homards et langoustes et des réservoirs dans sa propriété de Kermor” est acceptée.
À la suite d’aléas divers la Société des Pêcheries de Kermor change de propriétaires et se lance dans la pisciculture ( élevage de turbots, bars et autres poissons de luxe) dans quatre bassins créés en arrière de la digue. En 1869, l’activité redevient florissante grâce à Fortuné Halna du Fretay et au nouveau directeur, Eugène de Toulgoët.
Après son départ, les réservoirs, rachetés en 1888 par le notaire pont-l’abbiste, Le Déliou, ne sont plus entretenus et se combleront. Il n’en restera plus que le plan d’eau que traverse la route départementale actuelle.

Sources:
Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Marine_%28Combrit%29
Topic Topos :http://fr.topic-topos.com/chateau-de-malakoff-combrit
Bulletin municipal Combrit de juillet 2009 :
http://www.combrit-saintemarine.fr/wp-content/uploads/2013/08/BULLETIN_07-2009.pdf

1867 Dénonciation d’une commerçante

« Une femme, Catherine Ricard qui fait un petit commerce au Guilvinec, m’est signalée comme ayant jeté des cadavres de marsouins sur la côte du Guilvinec. Les pêcheurs que j’ai punis pour de semblables motifs se plaignent avec raison de cette femme. Afin de prévenir l’épidémie qui a frappé la population maritime l’an dernier, il serait bon, je pense, de prendre quelques mesures sévères contre les habitants qui commettent de semblables délits et j’ai l’honneur d’en donner connaissance au maire de Plomeur pour qu’il prenne telle mesure qu’il jugera convenable. »
Commissaire Inscription maritime à Quimper
Doc SHD 15 avril 1867

1867 Frictions, police et salubrité publique

Après l’épisode meurtrier de l’épidémie de choléra de l’année précédente, peu de choses ayant changé, les marins et la population maritime sont sur le qui-vive. Une reprise serait catastrophique, d’autant plus que les autorités de la Marine ont les plus grandes difficultés à faire régner l’ordre, le maire de Plomeur n’étant lui, pas plus efficace dans la lutte contre l’insalubrité. Et les « bisbilles » habituelles entre marins en mer ou à terre ne font qu’amplifier le climat d’angoisse qui s’installe au Guilvinec au moment de la reprise de la pêche du maquereau.

Un rapport du Commissaire de l’Inscription maritime de Quimper, daté du 12 avril 1867, fait le point sur la situation du Guilvinec par rapport à la pêche :

« Depuis la fin du mois, j’avais été prévenu par le syndic des gens de mer de Pont-L’Abbé que des rixes très vives s’engageaient journellement entre les marins de Douarnenez, Concarneau, Audierne et Guilvinec qui font la pêche du maquereau dans les parages de ce petit port et que des vols de filets et de poissons avaient eu lieu pendant la nuit sur les lieux de pêche. Je prévins immédiatement Mr le Capitaine du garde-pêche le Capelan de ce qui se passait en l’engageant à faire une tournée dans ces parages. Il me répondit que, n’ayant pas d’abri pour son navire sur cette côte, il y enverrait son annexe, ce qui eut lieu les 4,5 et 6 courant. Un peu d’ordre se rétablit mais, aussitôt après son départ, les désordres recommencèrent.

Aujourd’hui, le syndic me fit connaître que, s’étant rendu au Guilvinec d’après les ordres que je lui ai donnés, il a constaté que de nombreux cadavres de gros poissons en putréfaction étaient répandus sur la côte. Ce sont généralement de gros marsouins, des chiens de mer et des oiseaux pris dans les filets des pêcheurs, rejetés sur la grève malgré mes ordres.
Après avoir été écorchés pour en extraire la graisse afin de faire de l’huile à brûler pour l’hiver, les pêcheurs vendent aussi les marsouins 3 et 4 f pièce aux habitants du Guilvinec pour être employés de la même manière. Des tas de goémons pourris, situés au-dessus de la laisse de la pleine mer, répandaient aussi une odeur fétide dont les miasmes délétères sont très dangereux.
Dans la crainte du retour de l’affreuse épidémie cholérique qui a décimé notre population maritime l’an dernier et dont je vous ai rendu compte dans mes rapports des 21 et 22 avril 1866, le Maire de la commune de Plomeur dont dépend le Guilvinec a pris un arrêté par lequel il pressait de faire nettoyer la grève et à vendre tout le goémon accumulé devant les maisons des pêcheurs.
Bien que deux gendarmes de la brigade de Pont-L’Abbé aient été requis par le Maire, on exécute à peine son arrêté. Le syndic et le garde maritime de Pont-L’Abbé ont fait, chaque fois qu’ils sont allés au Guilvinec, enterrer devant eux le plus de cadavres de poissons qu’ils ont pu, mais ils ont toujours éprouvé beaucoup de difficultés pour se faire obéir, les pêcheurs étant abrutis par l’eau-de-vie dès qu’ils sont à terre.

Cependant, le syndic ayant pu me signaler deux pêcheurs qui, malgré mes ordres, ont jeté des cadavres de marsouins sur la grève, je leur ai fait donner l’ordre de venir à Quimper où je compte leur infliger une peine disciplinaire.
Le 10 mai dernier, j’ai eu l’honneur, Monsieur le Préfet, de vous rendre compte d’un commencement de collision qui s’était produit entre les marins du Guilvinec et les pêcheurs de Douarnenez, et je terminais mon rapport en émettant l’avis qu’un gendarme de marine, détaché dans ce petit port au moins pendant les 5 mois de l’année où la pêche donne le plus (de février à juin) serait très utile au point de vue de la police et de la salubrité publique.

Tout en reconnaissant qu’à terre la police doit être faite par l’autorité municipale et départementale, et par l’autorité judiciaire au besoin, je ne puis cependant négliger de vous faire remarquer que cette population n’est composée que de marins, que bon nombre de désordres se passent à la mer et que les rixes à terre ne sont que la conséquence des disputes à la mer et qu’enfin il n’existe aucune autorité civile au Guilvinec.

Vous n’avez pas, monsieur le Commissaire Général, donné un avis favorable à ma proposition mais j’ai cru, en présence des faits graves qui se renouvellent au Guilvinec, informer des appréhensions de la population pour l’apparition du fléau cholérique quand les chaleurs vont revenir et appeler de nouveau votre attention sur la situation présente. »
Doc SHD Brest

1859 Les navires de pêche du quartier de Quimper

Dans le quartier de Quimper, il n’y a pas de bateaux pontés employés à la pêche maritime côtière.
Le tonnage maximum des chaloupes non pontées varie entre 6 Tx et 16,94 Tx.
Le tonnage minimum des embarcations non pontées est de 1 Tx et même au-dessous.

guilvinec-9SDPA chaloupes

Chaloupes au Guilvinec (Doc SDAP 29)

1862 Le vivier Pichot

Une dépêche du 31 mai 1862, du Ministre de la Marine au préfet maritime de Brest, autorise par arrêté M. Louis Pichot, expéditeur de poissons, domicilié à Plomeur à établir sur la côte de Guilvinec (quartier de Quimper) un réservoir à homards et langoustes. Il porte le n° 11 du registre des pêcheries du quartier de Quimper.
Après l’ouverture d’une enquête, un plan dressé par l’ingénieur des Ponts et chaussées, un rapport visé et approuvé par l’Ingénieur en chef de Brest et un avis favorable rendu par la commission instituée par la décision impériale du 20 mars 1861, toutes les conditions sont donc réunies pour que le projet se concrétise. Ce réservoir à poissons, de forme rectangulaire, sera établi sur la côte de Guilvinec. Il aura 40 m de longueur sur 10 m de largeur.
Le détenteur est également tenu, pour la surveillance et l’exploitation de son établissement, de n’employer que des inscrits ou des femmes, enfants, mères ou sœurs d’inscrits maritimes.
La présente autorisation, accordée à titre gratuit, ne constitue pas un droit de propriété, mais seulement un usage essentiellement précaire et révocable dont la suppression ne saurait ouvrir au détenteur aucun titre à indemnité.

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Le vivier Pichot était situé au milieu du Quai de l’Océan actuel. Il a été recouvert lors de la construction de la criée à la fin des années 1950. (Doc AD 29)

Le 12 septembre 1862, une autre circulaire fait état d’une seconde demande du même Louis Pichot, à l’effet d’obtenir l’autorisation d’établir un réservoir à poissons dans les rochers de la côte de Guilvinec, au Nord de la roche appelée Men-Meur, et d’élever sur ce point une maison de garde.
La demande du Sr Pichot n’est pas susceptible d’être accueillie, car elle est contraire aux dispositions de l’article 9 du 10 mai 1862 qui indique que les réservoirs à poissons ne peuvent être établis que sur des propriétés privées.
Toutefois, si le réservoir qu’il demande à établir n’était pas destiné à recevoir du poisson mais devait seulement renfermer des crustacés (homards et langoustes), sa demande semblerait pouvoir être instruite.
Signé De Chasseloup Laubat
SHM 3P1 32

1868 La cale va-t-elle enfin voir le jour ?

Deux fois programmée, mais jamais réalisée, la cale demandée depuis près de 10 ans au port du Guilvinec va faire l’objet d’un nouveau projet.
« La dépêche du 16 juillet, approuvant la construction de deux fanaux au Guilvinec, a prescrit en même temps d’étudier le projet d’une petite jetée abri qui serait établie sur un massif de rochers situé en amont d’une crique naturelle, à l’entrée du port.
Nous avons examiné attentivement les lieux et nous avons reconnu que le point désigné était le seul sur lequel une construction de ce genre pourrait être élevé dans des conditions économiques. Nous avons en outre consulté les marins du pays sur la nature et la direction des ouvrages qui leur paraissaient principalement nécessaires pour favoriser leur industrie et assurer leur sécurité.
Ceux-ci nous ont fait connaître qu’un môle améliorerait la situation actuelle, mais que l’établissement d’une cale facilement accessible était beaucoup plus urgent et qu’à la rigueur, pendant le mauvais temps, ils pourraient se réfugier au fond de l’anse mais qu’ils n’avaient pour accoster aucun point de débarquement. »
Une première solution, consistant à réaliser une cale et un môle adossés l’un à l’autre, avec un déroctage de 2000 m3, a été abandonnée. Les raisons :
un résultat incomplet car ce projet ne permettrait, à mi-marée, que d’accueillir 100 barques (1/3 de celles qui fréquentent le port)
la dépêche ministérielle qui recommande de restreindre autant que possible la dépense.
L’ingénieur présente son nouveau choix :
« Nous nous sommes arrêtés à une nouvelle disposition plus économique qui, tout en donnant satisfaction aux besoins les plus pressants, a en même temps l’avantage de ne pas engager l’avenir. L’avant-projet que nous présentons ne conserve que la cale et le chemin d’accès. »
Le chemin envisagé devrait mesurer 81m de long et 6,35 m de large avec une première partie horizontale, la deuxième en pente pour rejoindre la cale. Il sera situé à 50 cm au-dessus du niveau des plus hautes mers d’équinoxe.
Sur demande des marins, pour éviter le ressac violent que produiraient les vents dominants, la cale fera un angle de 30° avec le chemin, dirigée vers l’est à l’intérieur de la crique. Longue de 50 m et large de 5,50 m, elle sera en pente ; sa partie la plus basse sera à 0,50 m au-dessus du niveau des plus basses mers de vives eaux. Il a paru inutile de la prolonger au-delà de la limite adoptée, le fond étant à peu près horizontal sur toute la longueur de la passe.
Un escalier est disposé au point de raccordement du chemin d’accès et de la cale ; il a 2 m de largeur et est formé de 19 marches de 020m. Les déroctages exécutés dans l’intérieur de la crique et dirigés de manière à faciliter l’accostage de la cale et de l’escalier et à assurer un mouillage sûr et commode aux barques à l’abri des ouvrages.
Par rapport au précédent avant-projet, seule une partie de la cale est construite en pierres sèches (murs intérieurs). L’extérieur et la partie qui pourra être immergée seront maçonnés avec du mortier. La surface supérieure sera couverte d’un pavage maçonné.
Toutes les maçonneries (tablettes, pavages et parements) sont faites avec des moellons provenant des déroctages.
Il faudra encore attendre un an la décision ministérielle (22 juin 1869) et (enfin) la construction en 1870 de cette cale qui est restée dans la mémoire des vieux guilvinistes sous le nom de Kal Kozh, enfouie sous le terre-plein lors de la construction de la criée à la fin des années 1950.
Mais, malgré cette amélioration, d’autres besoins auxquels il est essentiel de donner satisfaction, se font sentir : il s’agit de permettre de débarquer le poisson aussitôt que possible après le flot, puisqu’il doit être expédié à heure fixe par le chemin de fer. S’il arrive trop tard, il est perdu ; la cale actuelle est (déjà) complètement insuffisante pour atteindre ce but.
Doc AD 29

Situation de la pêche au port de Guilvinec en 1868

A l’occasion du troisième épisode du feuilleton « Cale de débarquement », les ingénieurs des Ponts et chaussées font le point sur l’évolution de la pêche au port du Guilvinec depuis 1860 :
Jusqu’ici, l’Etat n’a rien fait pour le Guilvinec : seuls quelques déroctages et une petite cale en pierres sèches ont été approuvés en 1866 malgré l’importance qu’a prise ce port qui est devenu le port de la pêche au maquereau.

Le Guilvinec qui, il y a dix ans, renfermait seulement une dizaine de barques, et qui, par les conditions peu favorables qu’il présentait, paraissait ne devoir jamais être appelé à un avenir brillant, est devenu une des stations de pêche les plus importantes des côtes de France.
Le mouvement actuel a commencé vers 1860 et, depuis cette époque, s’est rapidement accru. Dès que le maquereau est signalé, plus de 300 bateaux de Concarneau, de l’Île Tudy, d’Audierne et de Douarnenez viennent s’accumuler en quelques jours dans cette petite crique et, pendant plus de trois mois, y stationner d’une façon continue.

2500 hommes chaque jour doivent sortir du port et y entrer à peu près au même moment et, pour embarquer de vastes filets, décharger des quantités de poissons souvent énormes, ils sont réduits à accoster sur une côte hérissée de rochers avec la plus grande difficulté, en perdant un temps précieux par suite de la nécessité d’arriver à la gare à heure fixe en courant de sérieux dangers.
Cette année, durant une semaine, il a été expédié chaque jour du Guilvinec pour Paris, de 70  000 à 100 000 kg de maquereaux et les sommes payées sur place ont avoisiné 1 000 000,00 fr.

Ce sont donc des intérêts très sérieux qu’on a à desservir : l’établissement de deux feux sera un véritable bienfait pour les marins, mais il ne suffit pas de montrer aux bateaux la route à suivre pour rentrer au port ; il faut leur fournir les moyens de se livrer avec sécurité et commodité à leur industrie : c’est là le rôle des ouvrages que nous proposons aujourd’hui. Si le mouvement actuel se continue, il est probable qu’il faudra bientôt les augmenter et créer un abri : quoique incomplets, ils réaliseront toutefois une grande amélioration et permettront de faire cesser, au moins pour quelque temps, les plaintes très vives qu’ont élevées les marins du pays.

1858 Les marins-pêcheurs et l’eau-de-vie

Le Commissaire de l’Inscription maritime à Quimper, en décembre 1858, constatant « l’ivrognerie, l’abus de l’eau-de-vie, l’une des causes premières de la ruine et de la misère » des marins-pêcheurs, adresse une circulaire à ses adjoints des sous-quartiers de Douarnenez, Concarneau et Audierne afin d’enquêter sur les droits d’entrée de l’alcool, taxe encore connue sous le nom de « droits d’octroi », qui entrent pour la plus grande partie dans les caisses de l’Etat, le reste étant à la disposition des communes.
Partant du constat qu’ils « sont arrivés à boire une telle quantité qu’elle doit avoir une influence funeste pour leur santé et leur intelligence », le Commissaire recommande à ses adjoints « d’étudier sérieusement les habitudes de nos marins et de rechercher, aux points de vue physique et moral, les résultats qui sont occasionnés par une trop grande consommation d’alcool. »
Il pointe également du doigt le nombre considérable de cabarets ainsi que la baisse du prix de vente au détail de l’alcool.
Les retours de l’enquête concernant Douarnenez – Tréboul et Concarneau nous donnent des chiffres très parlants quant à la consommation alcoolique.
En 1858, on a absorbé 453,24 hl d’alcool pur à Douarnenez (4470 habitants dont 3000 marins-pêcheurs, femmes et enfants de marins) et 70 hl à Tréboul (1200 habitants dont 800 du milieu maritime).
A Concarneau, 2352 habitants dont 1802 appartenant à la classe maritime, 162,32 hl d’alcool ont été présentés à l’octroi la même année.
Si, par exemple, on évalue à 1500 le nombre de marins-pêcheurs (marins adultes et novices) à Douarnenez et si on considère qu’ils consomment l’essentiel de l’alcool comptabilisé ci-dessus, on obtient une quantité par personne et par an comprise entre 30 et 40 l.
Pour être objectif, il faut considérer qu’il s’agit là d’une fourchette haute. Mais, c’est quand même beaucoup si on compare ces chiffres avec la consommation actuelle. En 2012, on évalue à 12 l   la quantité moyenne annuelle d’alcool pur consommée par un français de plus de 15 ans.
Autre conséquence de cette alcoolisation massive des marins-pêcheurs lorsqu’ils sont à terre, l’impossibilité pour eux, outre l’habitude qu’ont les mareyeurs de leur payer en partie leur pêche en eau-de-vie, de conserver quelque économie, de « mettre de côté » un peu d’argent.
Voici le tableau, reflétant en partie la réalité et à la fois caricatural et insultant, que dresse le Commissaire de l’Inscription maritime de Quimper dans sa réponse au Commissaire Général à Brest au sujet des Associations de secours mutuels :
« En réponse à votre lettre en date du 15 décembre dernier, j’ai l’honneur de vous faire savoir qu’il n’existe, dans toute l’étendue du quartier de Quimper, aucune association de secours mutuels ou autres : il y en a une toutefois à Douarnenez, mais qui n’est qu’à l’état de projet, attendu qu’aucun marin n’en fait partie. Je vous adresse un exemplaire des statuts qui régissent cette société.
A Concarneau, Mr Alix a essayé et essaie encore de former une société de secours mutuels, mais jusqu’ici ses efforts sont restés sans résultats. Voici comment il s’exprime pour expliquer les difficultés qu’il rencontre :
1° Le peu d’intelligence des marins ;
2° Leur imprévoyance de l’avenir ;
3° et par-dessus tout, leur penchant à l’ivrognerie, penchant qui prend de jour en jour des proportions telles dans la population qu’il devient à peu près impossible de l’éclairer sur ses véritables intérêts.
Il y a lieu de reconnaître que la majeure partie de nos marins aime mieux dépenser ses épargnes au cabaret que de les déposer, en prévision de l’avenir, dans une bourse commune.
En un mot, l’ivrognerie est la plaie qui les ronge, qui les abrutit moralement et physiquement. Ces malheureux n’ont plus aujourd’hui qu’une idée quand ils ont réalisé quelques gains pendant la semaine, c’est de demander à l’ivresse leur unique récréation et d’y chercher le repos de leurs rudes travaux.
Et plus loin, il ajoute :
L’ivrognerie chez nos bretons n’est pas un défaut facile à extirper, c’est un vice du sang.
Cette opinion de Mr Alix est aussi la mienne et désormais toute position meilleure pour nos inscrits est impossible si l’on n’arrive pas à réprimer l’ivrognerie soit en frappant l’alcool d’un droit très élevé, soit en punissant correctionnellement. »
Pour information, sur un hectolitre d’alcool pur, les droits qui reviennent au Trésor (contributions indirectes) sont de 60 francs et selon les communes, de 4 à 10 francs pour l’octroi. Ces droits servent aussi de variable d’ajustement pour le budget communal : si de gros travaux ou des dépenses importantes sont programmés, le maire aura recours au Préfet pour une demande  d’augmentation de ces droits.
A la même époque, la douzaine de maquereaux est payée au marin de 4 à 10 francs.

Source : SHD Brest 3P2 2, correspondance départ du Commissaire de l’Inscription maritime de Quimper