Archives de catégorie : Mémoire

Serge Aubrée : Recouvrance perd son dernier Ami

Autoportrait de Serge Aubrée présenté à l’exposition Alternance à la maison de la Fontaine en octobre 2010

Serge Aubrée vient de refermer son dernier carnet de voyage, de Brest à Brest, en passant par Recouvrance, entamé voilà près de 95 ans. Nous perdons un grand Ami, avec un grand A, mais aussi un artiste de premier plan, un passeur de mémoire incomparable du quartier de Recouvrance.

J’ai rencontré Serge Aubrée pour la première fois en 1991 à Saint-Marc lors d’un vernissage de l’association Artitude, présidée par son ami Jean-Yves Madec. A partir de ce moment, les rencontres ont été de plus en plus fréquentes, tout spécialement lors d’expos collectives organisées par la FOL du Finistère, Artitude, les Amis de Recouvrance, l’APB ou en collaboration avec la Ville ou l’Éducation Nationale (Mois de la Science).

Serge entre Jean-Louis Magnier et Charles Kérivel lors de l’exposition ” 25 Figures”
organisée par Artitude à la Mairie de Saint-Marc

Parmi celles-ci, quelques-unes auxquelles j’ai pu participer :

  • 1992 L’Air, le Vent
  • 1993 Les Matériaux
  • 1995 Fotographisme. C’est à cette occasion que l’APB m’a proposé de rejoindre son collectif d’artistes plasticiens.
  • 1996 “Brest 96”
  • 1997 La Biodiversité
  • 1997 “Carte blanche” à Guilers
  • 1999 Art Média
  • 2000 Juillet, 2000 bateaux pour Brest 2000
  • 2001 Utopie en bleu
  • 2001 Mai, Biozart, marché bio de Kérinou à Brest.
  • 2002 Les Îles
  • 1998,1999,2000,2001, A tout sport, Parc de Penfeld à Brest.

L’APB, c’était une grande famille, riche de nombreux talents, de personnalités très diverses, qu’il fallait parfois faire cohabiter. Mais, au bout du compte, tous arrivaient toujours à se mettre d’accord sur des projets plastiques, chacun y apportant sa contribution avec ses qualités artistiques et créatives. Le résultat était toujours surprenant et innovant.

L’expo “Jacadi” à la mairie de Lanester en 1999 : Arlette Fouyer, Brigitte Simon, Jean-Yves Madec, Joëlle Thibault, Anne Smith, Claude Péron.

J’ai fait la connaissance des Amis de Recouvrance en 1992 lors de l’exposition Yves Collet à la Maison de la Fontaine, qui venait d’être rénovée par la Ville, juste avant les premières Fêtes maritimes. Comme il n’était pas question de déplacer ou de mettre sous vitrines les registres concernant le sculpteur de la marine, ancien propriétaire du lieu, la seule solution était d’en reproduire les pages en question. Vu leur taille, il n’était pas possible de les photocopier, il ne restait qu’une solution, la reproduction photographique.

Et donc, me voilà en mission au SHD, avec une fine équipe de recouvrançais, équipé d’un statif de reproduction et rampes d’éclairage à 45°, un film noir et blanc spécial « lumière artificielle » dans mon Canon. Une anecdote : sur une des photos, agrandie par Robert Gernot, on voit deux doigts, ceux de Serge qui tient la feuille du registre pour l’empêcher de s’enrouler. La légende veut que ce soit la main de Yves Collet qui est réapparue à cette occasion.

Quand je suis rentré à l’APB, en 1995, j’ai appris qu’un certain nombre de ses adhérents avaient participé aux Salon d’art contemporain organisés par l’UAPB de Claude Cléro et Bernard Peschet au Guilvinec, expositions que j’ai assidûment fréquenté pendant ma jeunesse. Il y avait là Serge, Jean-Yves Madec, Maurice Le Meur, Yves Bonraisin, … voisinant avec Picasso, Bazaine, Léger, Vasarely, Fromanger, Alechinsky ou encore Ernest Pignon-Ernest.

L’inauguration de la place René Le Saëc (1935-1999), face à son atelier et aux Halles de Recouvrance, là ou Serge et René avaient créé une grande fresque, a été un événement important après le décès de ce compagnon de toujours. J’ai eu le grand plaisir de répondre positivement à l’invitation des Amis de Recouvrance pour couvrir l’événement en photos. Le dévoilement de la plaque en présence de nombreuses personnalités dont Pierre Maille et François Cuillandre aura lieu avant le vernissage, dans la foulée, d’une rétrospective des œuvres de René à la Maison de la Fontaine. Serge était très fier de la réussite de la cérémonie d’hommage et a créé un album de photos pour que le souvenir de son ami perdure. La mémoire des hommes était pour lui quelque chose d’important, ce qu’il n’a cessé de nourrir avec Cécile Bramé et les Amis de Recouvrance.

Serge et Jean-Yves m’avaient fait l’honneur en 1994 de venir rencontrer mes élèves à l’école des Hauts de Penfeld pour leur parler, chacun avec leur sensibilité picturale, de leur vision du paysage en peinture.

Au niveau professionnel, j’ai également eu très souvent l’occasion d’organiser des visites avec ma classe à la Maison de la Fontaine. Serge m’a souvent fait remarquer qu’il appréciait par dessus tout le fait de me voir arriver chaque fois un mercredi après-midi avec appareil photos, bloc à dessin et crayons pour préparer les fiches que j’allais proposer aux enfants pour bien s’imprégner de l’exposition lors de la visite.

De cette manière, active et ludique, ils allaient pouvoir exploiter plus facilement ces contacts avec des œuvres d’artistes. Ce n’était pas le cas de toutes les classes qui y venaient, m’a-t-il avoué : « Certains enseignants viennent là en touristes avec leurs élèves et je me demande ce qui peut bien en rester par la suite. »

En 2002, il a pu être témoin direct d’une de ces visites, car l’artiste exposant était aussi l’instit de CM2. La Ville avait organisé la traditionnelle conférence de presse le jour fixé pour cette sortie. Gaétan Le Guern, adjoint à la Culture était présent, la presse aussi (Guy Pellen du Télégramme) et la radio (RCF). Là où Serge est resté « baba », c’est quand mes propres élèves m’ont également interviewé, avec des questions préparées à l’école. Un moment rare et inoubliable.

Œuvre exposée en décembre 2008

En décembre 2008, hospitalisé pendant trois mois en chirurgie à la Cavale Blanche, j’ai eu la grande surprise, en recevant le carton d’invitation sur mon lit d’hôpital, d’apprendre que Serge m’avait programmé dans l’exposition qu’il organisait avec les Amis à la Maison de la Fontaine. Il avait choisi deux travaux photographiques que je lui avais offerts, les avait encadrés et mis au mur. Mieux, il avait utilisé l’une des images pour illustrer le carton d’invitation et l’affiche de l’expo ! Son geste d’amitié m’avait profondément touché vu les circonstances.

En 2009, nous avons également participé à l’aventure du collectif d’artistes non-conformistes « Actus-Cactus » avec Yvon Daniel, JJ Petton, Marc Morvan, Aurélie Kerouanton, Emma de Lafforêt, … Nous nous réunissions dans le local des Amis de Recouvrance, aimablement mis à disposition par Serge.

Chez Yvon Daniel lors des journées portes ouvertes d’artistes organisées par le Conseil Général du Finistère.

Une autre réalisation de Serge et Cécile a été le projet de sculpture de Jean Quem et Fanny, réalisé par Jérôme Durand, sculpteur de Recouvrance. Une œuvre qui évoquera à jamais pour les passants la substantifique moelle de l’esprit recouvrançais.

Lors de la présentation à la Mairie de quartier de Quatre-Moulins
Jean Quem et Fanny

Serge, s’il était passionné, était surtout, du fait de sa profession d’artisan-décorateur, quelqu’un d’exigeant. Exigeant avec lui-même et les autres, il faut l’avoir vu préparer une exposition avec son équipe des Amis. Rien n’était laissé au hasard : tout devait être propre, clair et net ; la minutie et la précision faisaient partie de son savoir-faire, des qualités caractéristiques des ouvriers compagnons.

S’il appréciait au plus haut point les « faiseurs » et ceux qui innovaient en faisant preuve de créativité, il n’aimait pas les beaux parleurs, les gens superficiels. Serge était curieux de tout et s’intéressait aux domaines qu’il ne pratiquait pas et suscitait par ses questions des échanges toujours positifs. Son rapport aux institutions n’a pas dû être un long fleuve tranquille. Il s’accrochait à ses convictions fortes pour faire avancer les projets menés par les Amis ; on peut imaginer les discussions argumentées avec le Service Culture de la Ville concernant la gestion de la Maison de la Fontaine. Au bout du compte, sa ténacité a permis à tous de bénéficier d’un accueil et d’une programmation artistique de qualité dans ce lieu historique et patrimonial.

Cependant la plus grande qualité de Serge c’est son humanisme qui se traduisait par une amitié durable, mais qui se méritait.

Serge et Arlette Aubrée lors des 50 ans de Bellevue sur les rives de Penfeld

Loïc Loussouarn : le marin-poète est sorti par l’horizon

Lors d’une rencontre entre cousins au Salon du Livre en Bretagne à Carhaix en octobre 2014

Loïc, le marin du Croisic, fils de Lom, un bigouden de Kergadien en Penmarc’h et d’une maman de l’Île d’Yeu, Hélène, vient de nous quitter.

Comme l’a écrit l’artiste-peintre Yves-Marie Péron, lui aussi récemment disparu, il a choisi de sortir par l’horizon pour un dernier embarquement.

A 67 ans, la maladie l’a anéanti en moins de dix mois. Il venait de publier son troisième ouvrage de poésies marines, “Mer racines” (Des sources et des livres – Assérac 44).

Malgré tout, ses idées et ses impressions, largement inspirées de son vécu sur la mer, resteront, car peu de poètes évoquant l’océan peuvent se targuer d’écrire sur le sujet en connaissance de cause, en toute authenticité.

Le marin n’aime ni le mensonge, ni l’injustice. Avec la mer, on n’a pas le droit de tricher, qui que l’on soit ! C’est donc avec la parole franche et engagée du marin que Loïc dénonce par ses mots le scandale du naufrage du Bugaled Breizh, dans “Bugaled Breizh, Un non-lieu sous la mer”.

Il sait de quoi il parle quand il s’agit du danger qu’encourent les marins-pêcheurs du monde entier face à la mer et tout ce qui la peuple, le pire en l’occurrence étant les requins — au sens figuré surtout.

Il faut lire aussi “Ô, Quéménès” dont je vous livre la belle dédicace que Loïc avait offerte à son cher cousin.

L’important, c’est l’horizon, …

Bonne navigation à toi, Loïc !

Cap sur l’île d’Avalon, peut-être ?

A moins que ton canot ne te mène plein ouest, jusque Tir na Nog,

l’île de l’éternelle jeunesse ?

Cap Caval : le n° 49 est paru

Au sommaire :

Jakez Cornou : la passion de la Bretagne

L’Île mystérieuse du Penmarc’h de l’âge d’or

En 1845, elle tue l’époux qui ne pouvait la satisfaire

La résistance, la déportation et la mort de Louise Coupa

La maison de vannerie Marquet à Pont-l’Abbé

Le passage entre l’Île-Tudy et Loctudy

En vente en Pays bigouden.

Abonnement auprès de Startijenn Ar Vro Vigouden, 45 rue Jean Jaurès, 29120 Pont-l’Abbé (startijennavv@orange.fr)

Le Pays bigouden, une identité singulière

L’association de culture et du patrimoine “de l’aber Ildut à l’aber Benoît” m’a invité à présenter à ses adhérents une conférence sur les singularités du Pays bigouden, le samedi 17 décembre 2022  à 15h, salle Roz Avel à SAINT-PABU.

Présentation :

“Vivant à Brest, fils et petit-fils de marins-pêcheurs du Guilvinec et de Penmarc’h, enseignant retraité, ancien élève de Per Jakez Hélias à l’Ecole Normale de Quimper, Claude Péron, est contributeur aux revues Cap Caval (Histoire et patrimoine du pays bigouden) et Cahiers de l’Iroise (Société d’Etudes de Brest et du Léon).

Titulaire du Diplôme Universitaire du CRBC de Brest (Centre de Recherches Bretonnes et Celtiques), il s’intéresse de près, par le biais de l’histoire et de l’ethnologie, à la vie et à la personnalité des marins-pêcheurs bigoudens du XVIIIe siècle à nos jours, mais aussi plus largement à tout ce qui touche au Pays bigouden, d’hier et d’aujourd’hui.

Les principaux thèmes abordés :

Le Cap Caval, un territoire ancien.

Cadre : nature, paysages

Economie, tourisme, loisirs

Des clichés, des cartes postales, des stéréotypes, des idées reçues

Quelques constats simples et des réalités, un symbole fort de la Bretagne

Histoire, patrimoine bâti, culture, hommes et femmes

Une version bretonne est également disponible pour les associations de culture et patrimoine en breton : “Ar Vro vigouden, un identelezh dibar”.

Histoires de fontaines sud-bigoudènes

Plomeur, commune aux 100 fontaines

Dans son mémoire1 consacré aux fontaines du Sud-Ouest du Pays bigouden, Mireille Andro effectue « un véritable retour aux sources » en dressant un inventaire exhaustif de ces lieux où, « de tradition millénaire », on allait puiser l’eau, élément indispensable à la vie. La commune actuelle de Plomeur compte donc, en 1994, 100 fontaines recensées : 67 existantes, 5 comblées, 24 détruites et 4 sous forme de toponymes. A Treffiagat, elle en compte 22 : 13 existantes, 1 comblée, 6 détruites et 2 toponymes.

La fontaine de ND de Treminou, haut-lieu de la révolte des bonnets rouges.

Quant à Guilvinec (section de Plomeur qui constituera en 1880 la commune de Guilvinec), on y trouve 12 : 4 existantes, 1 comblée, 7 détruites. Il est intéressant de mettre ces chiffres en parallèle avec les 115 villages de Plomeur, dont 12 à Guilvinec, ce qui permet de conclure que chaque village a sa fontaine ou que chaque point d’eau de la commune a vu la population s’y fixer et créer un hameau.

Les fontaines de Guilvinec

  • Kerfriant, détruite vers 1930, pas de consommation humaine ; un puits aujourd’hui condamné avant le cimetière.
  • Kergoz, détruite vers 1960, à l’ouest du manoir ; elle alimentait un lavoir et un abreuvoir à vaches. Il existait aussi un puits dans la cour du manoir.
  • Kermeur, existante ; n’a pas tari lors de la sécheresse de 1976 ; située à 80 m au sud du menhir ; un lavoir situé près du ruisseau est aujourd’hui détruit.
Fontaine de Lanvar (près de la ferme de Kermeur)
  • Saoul Kanap Du (Eteule de chanvre noir)2; comblée, recouverte par le gymnase Manu Berrou.
  • Kervennec, détruite ; 1 m de profondeur, margelle en granit, tarie en été. Toutes les fermes avaient un puits ; deux lavoirs indépendants.
  • Le Ménez, détruite en 1950, à l’ouest de l’atelier municipal ; son eau est « consommable », mais devient salée par remontées de l’eau de mer lors des grandes marées.
  • Feunteun Mari-Anna ar Poul, du nom d’une lavandière populaire dans le quartier (sud du stade de Lagat-Yar), de construction récente (en 1970 par Xavier Cossec). On peut cependant imaginer qu’une source existait déjà bien avant à cet endroit.
  • Un lavoir dans le même secteur, détruit vers 1970.
  • Poul-ar-Palud, place du 14 Juillet, lavoir de la place, détruit.
Le lavoir de Poul-ar-Palud, aujourd’hui sous la place du 14 juillet
  • Poriguénor, à l’ouest de la ferme, à 7 m de l’avenue de la République ; existe encore ainsi qu’un lavoir à 3 m de là. Autrefois, il existait un puits, aujourd’hui recouvert par la route ; là aussi, on note des remontées d’eau de mer lors des grandes marées. [Le toponyme indique un ancien marais salant ; voir article microtoponymes de Guilvinec]
  • Saint-Trémeur, une fontaine détruite au sud de la chapelle, côté Kerléguer, sur le chemin.
  • Saint-Trémeur, une fontaine existante, récemment rénovée et enjolivée, alimentait le hameau de Prat-an-Ilis.
La fontaine de Saint-Trémeur

Une autre fontaine située sur le territoire de Plomeur est très voisine de Guilvinec : celle de Lagat-Yar.

Une légende liée à la présence d’une résurgence

Comme pour la ville d’Ys, mais à plus petite échelle, une anecdote lie à la montée des eaux une cérémonie druidique ancienne qui aurait perduré jusqu’au XVIIIe siècle. Un lieu de culte très ancien serait donc situé dans la baie de Men-Meur où serait englouti un site mégalithique, sans doute, près d’une source ou d’une fontaine. Albert Clouard rapporte cette légende :

« Par les temps clairs, entre Guilvinec et Penmarc’h, on voit à travers les vagues de larges tables de pierre qui n’étaient autre, prétend-on, que les autels de la cité détruite. Il y a un demi-siècle, les prêtres, accompagnés de toutes les barques du rivage, allaient chaque année en bateau dire la messe au-dessus de ces ruines. »

Sébillot, rajoute, citant Cambry : « Avant 1789, le clergé allait en procession au dolmen de Sainte-Madeleine (Charente-Inférieure), et, vers la même époque, on disait la messe en bateau, au-dessus de pierres druidiques, que l’on apercevait, à quinze pieds sous l’eau, entre Le Guilvinec et Penmarc’h. »

Si l’on observe bien la carte marine du SHOM, on peut distinguer une confluence d’anciens ruisseaux sous la mer. Elle coïnciderait avec la résurgence d’une ancienne source que cite Mireille Andro dans son mémoire. Elle pourrait se situer au sud de Toul ar Ster, vers Groaik6 ar Ster près du point : 47 47 33 N, 04 19 05 W.

1 Andro Mireille Les fontaines dans le sud-ouest du pays bigouden (Le-Guilvinec, Penmarc’h, Treffiagat-Lechiagat, Saint-Jean-Trolimon, Plomeur, Treguennec) 1994.CRBC Cote: M-05979-00

2 Eteule, partie du chaume, passée sous la lame de la faux ou de la moissonneuse, qui reste fixée à la terre après la moisson. Wiktionnaire

6 Gwrac’h : vieille femme ou, dans les légendes, sorcière ou sirène.

Abeille Flandre, retour à Brest et fin

Adarre ! encore une fois, mais la dernière ; la formation de Plougastel a honoré de la plus belle manière qui soit le retour du navire qui va être déconstruit dans les prochains mois.

Le remorqueur de haute mer Abeille Flandre est de retour à Brest. Un dernier voyage, hélas ! pour ce bon serviteur de la mer et des marins. Un bateau robuste et bien entretenu qui aurait, aux dires de ses anciens équipages et de Jean Bulot, patron emblématique, pu naviguer une dizaine d’années encore. L’émotion était présente à 100 % parmi les membres des familles des matelots qui y avaient embarqué sous les ordres de divers patrons comme Jean Bulot ou encore Carlos, Charles Claden.

La décision a été prise de le déconstruire et c’est fort dommage, à moins de deux ans des Fêtes maritimes de Brest 2024 ! Les amis du patrimoine maritime auraient bien vu un hommage rendu à cette occasion à ceux qui ont dans les gênes le courage d’aller sauver des vies humaines et d’empêcher des catastrophes en mer.

100 ans après le remorqueur Iroise du Commandant Louis Malbert, qui a donné son nom au quai où les Abeille s’amarrent depuis plus de quarante ans, prêts à déraper à tout moment pour une mission de sauvetage, c’est dans ce lieu qu’il est revenu ce vendredi 30 septembre 2022. L’esprit du fameux commandant, incarné par Jean Gabin dans le film Remorques, était présent au-dessus du quai avec ses centaines de marins sauvés.

A lire absolument : “L’Abeille d’Ouessant” de Hervé Hamon, Editions du Seuil, 1999

Une interview au JT de 13 h de TF1, à voir ici.

Un atersadenn gant Jean-Luc Bergot war France-Bleu-Breizh-Izel, da glevout amañ (d’ar c’hentañ a viz Here – div wech)

Cahiers de l’Iroise, un hors-série “Fortifier brest”

Illustration : La machine à mâter et le château de Brest au cours des années 1780 par Patrice Pellerin, auteur de la série de bande dessinée L’Épervier
© Patrice Pellerin 2022 

Sommaire

  • DERRIEN Dominique – Éditorial
  • GALLIOU Patrick – À l’origine de Brest : la grande fortification romaine d’Osismis
  • COURANT Hugues – Défendre Brest et sa rade au XVIIIe siècle, sources municipales
  • BESSELIÈVRE Jean-Yves – La grande machine des travaux de Brest
  • BARON Bruno – La milice bourgeoise brestoise à Brest : une organisation paramilitaire et de prestige (de la fin du XVIIe à la Révolution française)
  • HASLÉ-LE GALL Brieg – Brest fortifiée vue par Patrice Pellerin
  • CARDINAL Gilles – Les remparts de Brest pour cimetière
  • JADÉ Patrick – Le pittoresque face à l’histoire : retour sur les moyens d’accès à l’îlot fortifié de Bertheaume
  • CARDINAL Gilles – Les escaliers du cours Dajot
  • et votre rubrique habituelle Voir et Lire

Pour plus d’informations et pour commander la revue, le site de la SEBL

Kenavo Jakez Cornou

A la maison de la baie d’Audierne en 2018 (Photo Claude Péron)

Plus de 45 ans de souvenirs me relient à cet homme qui vient de nous quitter cette semaine. Il y a peu, il me rappelait que lui, le Brestois de naissance, avait passé plus de la moitié de sa vie en Pays bigouden et que moi, né à Pont-l’Abbé, avais parcouru le chemin inverse et avais également passé plus de la moitié de ma vie à Brest.

Mais ce serait un maigre argument que de dire que c’était le seul point commun entre nous. La géographie et la vie qui nous mène à un endroit que l’on ne quitte plus sont des paramètres qui nous échappent. Jakez, lui, s’est véritablement ancré dans le Pays bigouden. Il s’y est tellement investi qu’il est difficile pour un observateur averti de parler ou d’écrire sur les Bigoudens sans citer son nom.

Pour le jeune normalien que j’étais, de 1969 à 1973, et qui suivait ses cours à Quimper, Pierre-Jakez Hélias a été en quelque sorte un « père spirituel ». Il joué le rôle de déclencheur en matière de “conscience bigoudène” mais de manière plutôt abstraite et globale, sans repère vraiment précis. Jakez Cornou a, quant à lui, été aussi un « père spirituel », mais plus dans la mise en œuvre active de cette matière bigoudène que Hélias avait su si bien décrire.

En outre, avec Pierre-Roland Giot, Jakez a ajouté un volet scientifique de première importance sur l’Histoire du Pays bigouden. Ensuite, il a continué de la populariser par l’intermédiaire de ses propres publications, permettant aux habitants de s’approprier par la connaissance leurs modes de vie passés et présents. Ses enquêtes dans les bureaux de vote sur les bigoudènes en coiffe ont permis une perception fine de l’évolution de leur nombre, un travail tout à fait original.

Serge et Jakez lors d’une sortie Cap Caval (Photo Claude Péron)

Mais ce n’est pas tout : avec Serge Duigou et quelques autres, Jakez a créé un espace de coopération où tous, historiens, spécialistes et acteurs locaux, ont pu présenter le meilleur de leur vision du patrimoine bigouden : la revue Cap Caval était lancée, mais aussi les balades sur le terrain commentées par nos deux compères — et, selon le lieu ou le thème, une ou deux personnes-ressources — en complément de la publication écrite.

Connaissant des hauts et des bas, la revue Cap Caval, avec une équipe renouvelée aujourd’hui, a maintenu le cap de départ, toujours en mouvement pour partager le meilleur du Pays bigouden.

Cet esprit, que Jakez a su insuffler, ne peut qu’illustrer concrètement ce que disait Hélias : « Hep dec’h hag hep warc’hoazh, hiriv ne dalv netra. » (Sans hier et sans demain, aujourd’hui ne vaut rien.) On peut objectivement penser que cet esprit lui survivra encore longtemps.

A Kerlan Plonivel, lors d’une sortie Cap Caval, le 14 mars 1993 : Jakez et Claude en grande discussion pendant que Serge dédicace. (Collection Serge Duigou)
A Loctudy, lors de la visite d’un souterrain de l’Age du fer (découvert par Marcel Stéphan à Kermenhir). (Photo Claude Péron)

Pour en savoir plus, la page Wikipédia de Jakez

Mille mots pour un guillemot

Au bon souvenir de mes amis, Mich et Claudine et Yvon

Cette photo, je n’ai eu aucun mal à la prendre ! Et comment ! L’oiseau ne bougeait pas ! Et j’avais mon matos, prêt à mitrailler ! Pas comme ce dimanche de printemps où un facétieux guillemot avait décidé de nous narguer au bout de la digue Lapérouse. Aucun de nous n’avait ni appareil photo, ni téléphone qui aurait pu faire l’affaire …

L’oiseau, sans doute échappé de la réserve du Cap Sizun, ou d’autres falaises locales proches de la rade de Brest, avait trouvé refuge et — probablement — nourriture ici, le gîte et le couvert, quoi ! Comme disait Pierrot la Tendresse, une jolie colonie de vacances !

Pendant une dizaine de minutes, le guillemot en question, puisque c’est son nom, de Troïl même, d’après les spécialistes, nous a régalé d’un véritable spectacle, un numéro de comédien bien huilé, sortant à la verticale de l’eau pour se pomponner à coups de becs dans les ailes qu’il agitait en cadence pour éliminer tout ce qui pouvait être parasites et autres salissures, le tout à moins de dix mètres des animaux à deux pattes, perchés sur le béton, ébahis par la prestation. Un véritable ballet aquatique spontané, à côté duquel certains spectacles payants avec des oiseaux dressés pourraient “aller se rhabiller” !

Cet épisode restera dans la légende et les souvenirs, avec les regrets que vous savez maintenant, de ne pas avoir pu immortaliser la scène. Je m’arrête là, car comme le titre le dit, j’aurais pu trouver mille mots pour la raconter, mais je les réserve à mes amis.

Les cinquante ans des Sonerien DU

Gilles Simon vient de commettre un ouvrage très complet, bien illustré par des photos d’archives, sur les cinquante ans de « carrière » du groupe « Sonerien DU » (Éditions AGLD – Roland Chatain). L’auteur y retrace avec précision les différentes étapes de la vie du groupe de « sonneurs du Pays bigouden », les DU en raccourci. Sa lecture permet aisément de comprendre les différentes évolutions qui ont eu lieu au fil des années, avec le passage au professionnalisme, le départ ou l’arrivée de certains musiciens.

Éditions AGLD

Roland Chatain, Route de Kerigou, Kermatheano, 29120 Plomeur 06 33 25 11 21

A moitié-route (logo Fanch Le Hénaff – affiche collection CL P)

Cependant, il y aurait probablement « moyen » d’en rédiger un deuxième volume, en interrogeant les « fans », les amateurs de festoù-noz, les organisateurs, les journalistes, etc … avec un corpus de témoignages « venant d’en bas » et qui contribueraient, j’en suis certain, à encore mieux connaître l’essence du phénomène DU, sans rentrer dans la sociologie pure et DUre, mais pourquoi pas, après tout ? Je vous livre ici un certain nombre de souvenirs qui restent gravés dans ma mémoire.

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